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leurs difficilement compatibles avec celles qui auraient pu le rendre utile soit aux éducateurs, soit aux spécialistes au courant du mouvement pédagogique. Les faits et les questions sont aperçus de loin et pliés aux cadres d’une dissertation bien construite ; en sorte qu’ayant lu, si l’on ne se trouve pas fort instruit, on n’éprouve du moins aucune impression de fatigue.

Croyances, par Urbain Mengin, 2e édition. 1 vol. in-12, de x-266 p., Paris, Fischbacher (s. d.). — C’est un petit livre de « morale vécue », d’une morale de bonté et d’amour, où sont d’abord agitées des questions métaphysiques intéressant l’inspiration générale de la vie morale, où sont ensuite présentés les grands cadres sociaux des devoirs. À la simplicité, à la pureté, à l’évidente loyauté de cette pensée il est difficile de refuser la sympathie. D’autre part l’auteur nous avertit lui-même qu’il n’a aucune prétention à l’originalité philosophique. Cependant, lors même qu’on ne prétend pas à instruire, encore faut-il, pour inspirer l’action, centrer l’émotion et le vouloir à l’aide de suggestions nettes et fortement synthétiques, soit par des moyens rationnels, soit par des moyens d’art. On ne voit guère de telles suggestions surgir de ces pages, où la sincérité et la qualité du sentiment ne compensent pas le défaut de décision philosophique et de parti pris social.

À travers l’Œuvre de M. Ch. Maurras, par Pedro Descoqs, S. J., 3e édition entièrement refondue, 1 vol. in-16 de xxiv-473 p., Paris, Beauchesne, 1913. — Du même auteur : Monophorisme et Action française, 1 vol. in-16 de xi-168 p., Paris, Beauchesne, 1913. — La polémique soulevée parmi les catholiques français par le livre de M. Descoqs sur Maurras fait, dans le domaine des idées politiques, pendant à celle que M. de Tonquédec a engagée contre M. Blondel sur le terrain de la pure théologie. M. Descoqs soulève, lui aussi, dans le même esprit que M. de Tonquédec, la question théologique, l’opposition entre l’intrinsécisme et l’extrinsécisme : il serait inutile d’y revenir, et nous renverrons le lecteur au numéro de septembre de la Revue de Métaphysique et de Morale. Qu’il nous soit cependant permis de remarquer que les adversaires du modernisme, tels que MM. de Tonquédec et Descoqs, se plaisent à montrer que les modernistes du type Laberthonnière et Blondel versent dans l’intrinsécisme ou l’immanentisme absolu. Ils rejettent en même temps, pour leur propre compte, l’accusation d’extrinsécisme ou de « monophorisme » excessif que leur adressent les modernistes. Ils affirment qu’ils sont seuls à suivre la voie moyenne, qui est la voie royale, la voie catholique par excellence. Opposition curieuse et suggestive ! Que la voie moyenne soit, en principe, la voie catholique, il ne peut y avoir doute à ce sujet. Mais les adversaires du modernisme négligent deux faits essentiels. C’est tout d’abord que le modernisme, rattaché à ses antécédents historiques, est loin d’être un immanentisme absolu et a, de tout temps, cherché, au cours du xixe siècle, la voie moyenne. C’est ensuite que, par la vigueur et l’éloquence avec lesquelles il défend, en ses affirmations légitimes, le point de vue de l’immanence, il est le correctif indispensable de l’ancienne théologie française, trop intellectualiste et extrinséciste. Ainsi sont donnés, en France, les éléments d’une refonte intégrale de la pensée catholique. Mais les partis en présence ne peuvent s’entendre. Membra disjecta poetæ !

Il nous faut revenir à la question politique. M. Descoqs avait publié un livre sur M. Maurras. Il étudiait ses idées essentielles, sa passion dominante de l’ordre, sa lutte contre l’individualisme démocratique. Il négligeait sans doute, à notre sens, de montrer que nombre d’idées germaniques, sous les noms fallacieux d’organisme vivant et de vie corporative, se sont subrepticement glissées en l’œuvre de ce pur nationaliste français, disciple de Taine et, par là même, tributaire de la pensée allemande. M. Descoqs montrait ensuite l’analogie qui existe entre les principes de M. Maurras et ceux du catholicisme, du catholicisme social en particulier. Il insinuait qu’un accord pouvait se produire entre catholiques et incroyants de l’Action Française sur les « résultats » à obtenir. À l’appui de sa thèse, M. Descoqs invoquait le dogme catholique lui-même, cette affirmation que la raison d’un Maurras peut, sans le secours de la révélation, atteindre les vérités « naturelles » ! (p. 192). M. Maurras veut le triomphe de l’Église dans la société. Or ce triomphe n’équivaut-il pas à celui de Christ dans les âmes ? L’apologétique catholique ne peut-elle pas utiliser l’apport des théories de l’Action française ? (p. 278). Pour atténuer la thèse, M. Descoqs terminait toutefois par une critique des théories de M. Maurras. Mais il concluait encore en montrant que M. Maurras, malgré les éléments de « décomposition » contenus dans ses théories, répand nombre d’idées salutaires, que c’était beaucoup, à l’heure actuelle, d’avoir une doctrine politique cohérente, que l’ordre