Leur désidératum commun est la constitution d’une philosophie générale qui unirait et synthétiserait les sciences positives et leurs résultats, qui serait fondée sur les faits réunis et élaborés par ces sciences, qui serait l’image et le produit à la fois de l’expérience scientifique. Cette philosophie ne serait pas étrangère aux sciences, elle ne s’imposerait pas du dehors aux savants, elle serait l’émanation et le fruit même de leurs travaux. La conception mécaniste de la nature ne répond plus depuis longtemps à un tel desidératum, comme le prouvent l’Ignorabimus de Du-Bois-Reymond et la faveur dont jouit aujourd’hui le néo-vitalisme. Quant à la philosophie dominante, kantienne ou d’origine kantienne, elle méconnaît très généralement ce besoin, elle traite de problèmes qui n’ont qu’un faible intérêt pour quiconque a une culture scientifique, et elle est dans l’incapacité d’aborder sérieusement et par elle-même les questions que soulèvent les sciences de la nature. Le fait même que de généralisations en généralisations toutes les sciences, géométrie, arithmétique, physique, chimie, biologie, sociologie se trouvent nécessairement et légitimement amenées à poser des questions d’ordre philosophique, ce fait même
rend d’autant plus souhaitable la constitution
d’une philosophie empiriste, positiviste,
ennemie des spéculations métaphysiques
et des doctrines « transcendentalistes
qui se prétendent critiques.
Toutes les théories doivent être fondées
sur les faits et trouver dans les faits leur
critère.
La Société de Philosophie positiviste,
qui formule ainsi son programme, et qui
compte déjà ptus de cent cinquante
membres, publie une revue trimestrielle,
la Zeitschrift fiir positivistische Philosophie
(Berlin, Tetzlaff) dont le premier numéro
a paru le 31 mars dernier à en juger
seulement par ce numéro, l’inspiration
de l’empiriocriticisme d’Avenarius parait
devoir dominer dans la Société et la
revue nouvelles. De toute façon, les
noms dont on a cité plus haut quelquesuns
sont d’assez sûrs garants que l’une
et l’autre ne prendront pas le mot de
positivisme dans un sens étroit et sectaire,
que l’abandon de la métaphysique
ne leur est pas inspiré par ce que Platon
appelle misologie, et que la philosophie
pourra réellement tirer profit de leurs
travaux. Il n’est personne aujourd’hui qui
ne déplore la dispersion de l’effort scientifique,
qui ne ressente le besoin de poser
les problèmes de la philosophie des
sciences et qui ne désire mettre fin, s’il
était nécessaire, aux déclamations vagues
et faciles dont se contenta une autre
génération. Nous sera-t-il permis de
penser que depuis une vingtaine d’années
nous avons aussi travaillé pour
notre part au rapprochement îles philosophes
et des savants et à la constitution
d’une philosophie générale, bien que
nous n’ayons pas placé notre effort sous
l’invocation des doctrines empiriste et
positiviste ?
ERRATUM
Dans le n" de novembre 1913, p. 744,
ligne 23, au lieu de
S’il est vrai que le polygone régulier
peut être inscrit dans un cercle carré.
Lire
S’il est vrai que tout polygone régulier
peut être inscrit dans un cercle, le carré
peut être inscrit dans un cercle.