Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1912.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en Italie, représentées par Del Vecchio et Petrone.

La Critica. — Giovanni Gentile poursuit ses études critiques sur la philosophie en Italie depuis 1850. Après avoir discuté quelques positivistes de l’école d’Ardigo ; Marchesini, Dandolo, Tarozzi (nov. 1910), Brofferio (janv. 1911), il passe aux néo-kantiens Fiorentino (mars), Tocco (mai), Masci (juillet), Tarantino, Chiappelli (septembre), pour conclure ainsi : « Ce courant aboutit non pas à une religion qui devienne philosophie, ni à la science, mais au mysticisme agnostique, port où se réfugient les naufragés de la science et de la philosophie. Tel est donc le terme du néo-kantisme italien de la contradiction des principes à travers la confusion, au naufrage de l’esprit philosophique. »

Guido de Ruggiero entreprend de passer en revue La Philosophie des valeurs en Allemagne, en commençant par Windelband (n° de sept.).

L’Anima. — Cette petite revue personnelle de G. Amendola et G. Papini vient de paraître cette année, avec le sous-titre : Essais et jugements. « Nous recommençons, disent-ils, un échange de lettres mensuelles qui porteront à quelques amis dispersés les nouvelles de notre âme, et demanderont de leurs nouvelles… » Dans les quatre premiers numéros parus, Papini se montre toujours subtil chercheur et brillant polémiste, et Amendola publie de bonnes études soutenues, sur Maine de Biran, La vie volitive, La logique de la vie religieuse.

Bulletin de la Bibliothèque Philosophique de Florence. — On peut relever le cours de G. Amendola sur Maine de Biran (février 1911), et celui de G. Gentile sur la Philosophie scolastique en Italie (juillet) ; d’autre part une étude de Papini sur l’Inutile, se rattachant à une série de recherches sur les concepts négatifs (déc. 1910).

CORRESPONDANCE
I
Lettre de M. Alfred Fouillée.

La notice, d’ailleurs si bienveillante, consacrée à la Pensée et les Nouvelles Écoles Anti-intellectualistes, me semble appeler quelques explications et rectifications. On m’y prête en effet cette opinion que la philosophie n’est pas. « un procédé de connaître différent de celui de la science ». J’ai, au contraire, dans l’Avenir de la Métaphysique fondée sur l’expérience (1888), opposé nettement la connaissance scientifique à la connaissance philosophique (p. 8 sqq., p. 55 sqq.). La première connaissance, ai-je dit, divise l’indivis, rend homogène l’hétérogène, immobilise le mobile, rend statique le dynamique. Dans le chapitre sur la morale spiritualiste que contient la Critique des systèmes de morale contemporains (1879), j’avais déjà montré l’analyse, déduisant ce qu’elle anatomise, la pensée conceptuelle dissolvant le moi même : « Je me pense donc je ne suis pas. » Dans l’Avenir de Ia Métaphysique fondée sur l’expérience, j’ai fait encore voir que le principe de la connaissance philosophique est « l’expérience aussi immédiate qu’il est possible », l’expérience intérieure, non pas « la connaissance par les concepts purs ». Donc il n’est pas exact de me représenter comme refusant d’admettre que « les idées scientifiques sont plus éloignées du réel, que les données du sens intime ». Tout au contraire, j’ai dit, en propres termes : « La science transforme les faits hétérogènes de l’observation en relations homogènes qui sont objets de pensée ; mais les lois que la science découvre ne sont pas et ne peuvent pas être des actes réels ni de réels procédés de la nature ; ce sont seulement des notations de la marche observée dans les phénomènes ou, comme on dit, de leur processus. La loi ressemble aux choses, comme la courbe tracée par le sphygmographe ressemble aux pulsations de la vie. » (Avenir de la Métaph., p. 8 et suiv.) De plus, dans le même livre, j’ai montré que la philosophie est une réaction de l’âme tout entière, intelligence, sensibilité, volonté, par rapport à l’univers. Donc je n’ai pas prétendu que, « pour percer le mystère de l’être », la philosophie doive s’en remettre exclusivement aux « méthodes de l’intelligence pure ». Elle doit s’en remettre à tous les procédés de l’intelligence active et en fonction, de l’intelligence vivante qui se voit en même temps volonté et la puissance.

Mais, si ce qu’on appelle les « données du sens intime » sont bien pour moi la conscience du réel qui nous constitue, elles ne sont pas pour cela des intuitions de l’absolu, en tant que réalité indépendante de la pensée. Nos états et changements de conscience, nous révèlent, avec eux-mêmes, notre actualité, notre réalité certaine : mais c’est tout. De là à dire que nous avons des intuitions de notre libre arbitre, de notre spiritualité, de l’essence de la vie, bien plus, de l’essence même de la matière, il y a un abîme. Pour ma part, je cherche vainement en moi de telles intuitions ; elles me semblent impossibles par définition même et contradictoires. Je ne vois donc