Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 1, 1912.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

erreur, dans le deuxième cas un truisme. Ou encore veut-on dire que l’existence n’est pas modifiée par le fait qu’elle est rapportée à une proposition ? Ici encore il y a un truisme ou une erreur qui amènerait à une sorte d’éléatisme. Le réaliste confond la connaissance une fois formée et la connaissance qui se forme, et d’autre part il identifie les termes logiques et les existences. Il part d’une théorie toute formelle dont il tire scolastiquement des conséquences ; il n’est pas assez empiriste. Enfin quand Spaulding conclut à une dissemblance possible entre le processus de connaissance et son objet, il fait une faute de logique ; car l’analyse des termes d’une proposition ne peut pas donner de renseignements sur la relation entre cette proposition et la réalité. Spaulding (VIII, 63) a répondu à Dewey au nom du groupe des réalistes. Il n’y a point, dit-il, une opposition absolue entre le réalisme et une conception génétique des choses telle que celle de Dewey, pourvu que le génétiste admette comme possible, s’il y a lieu, l’immutabilité de certaines choses, par exemple des principes logiques, et la priorité logique de certaines choses, par rapport à d’autres qui peuvent d’ailleurs leur être psychologiquement postérieures. Spaulding continue en disant : 1° que, si le réaliste admet l’extériorité des relations, c’est qu’elle lui semble prouvée empiriquement. S’il dit que notre connaissance de l’objet et l’objet peuvent être dissemblables, c’est qu’il veut que l’expérience seule décide de la question ; 2° la réalité ne nie pas la possibilité du développement de la connaissance ; c’est au contraire parce qu’une théorie contient des affirmations vraies et des affirmations fausses et parce que les unes peuvent être maintenues sans les autres, que la connaissance peut se développer. Sans doute, les propositions « subsistent » ; mais les jugements, entités psychologiques, évoluent. D’une façon plus générale, tout changement implique la théorie de l’extériorité des relations ; les instants sont indépendants bien qu’en relation ; de même les points d’intensité de certains physiciens modernes ; 3° la théorie de l’extériorité des relations s’applique aux propositions et aux jugements en tant qu’ils contiennent des parties vraies et des parties fausses ; elle s’applique aux existences simples sans s’appliquer aux existences composées, inanalysées ; 4° il est possible d’affirmer quelque chose sur la relation entre l’existence et l’essence ; aussi bien que le réaliste, Dewey étudie cette relation et comme lui il prétend ne pas transformer et altérer les choses par la connaissance. Dewey a répondu à Spaulding qu’il persistait à voir une ambiguïté dans la théorie réaliste des relations et une erreur de logique. Costello (VIII, 505) interprète et définit la théorie de l’extériorité des relations ; elle se borne à affirmer que toutes les relations ne sont pas d’une égale importance ; donc on ne peut pas dire qu’une entité soit constituée par la totalité de ses relations ; il faut découvrir empiriquement les relations qui sont importantes et celles qui ne le sont pas. Par sa division des termes en existant et en subsistant, par sa croyance en l’existence de « simples » éternels et inaltérables, par l’affirmation de l’antériorité de la logique, Spaulding se rapproche de Russell. Celui-ci (VIII, 158) déclare qu’il est presque entièrement d’accord avec les réalistes d’Amérique ; il formule la théorie de l’extériorité des relations en disant : 1° que le fait que deux termes sont en relation n’implique aucune complexité correspondante dans les termes reliés ; sinon, tout terme serait infiniment complexe, 2° que n’importe quelle entité donnée est un constituant de plusieurs contextes différents. Grâce à cette théorie des relations, l’analyse est justifiée ; gràce à elle, le problème du pluralisme devient un problème empirique ; et l’expérience nous dit clairement qu’il existe beaucoup de choses. Russell préférerait appeler sa doctrine pluralisme et non pas réalisme. En tout cas, dit-il, ce qui semble établi, c’est une logique et une méthode plutôt que des résultats positifs. Pour établir ces résultats, il faudra recourir à l’expérience et à l’induction. Les théories de Russell telles qu’elles ont été exposées dans ses ouvrages et dans cet article, ont été examinées par Santayana (VIII, 57, 113, 421) qui croit sans doute en un règne des essences, mais qui d’une part n’admet pas dans ce règne les notions morales et esthétiques, et d’autre part croit qu’il peut y avoir des vérités sans qu’il y ait esprit pensant, par Chapman Brown (VIII, 85), par Percy Hughes (VIII, 242).

Dewey est d’accord avec les réalistes pour dire que les choses ne sont pas toujours en relation avec l’esprit et même pour dire que toute connaissance implique une existence antérieure à la connaissance et indépendante d’elle. Mais il pense qu’on ne peut avoir raison de l’idéalisme que si on conçoit les perceptions comme des événements naturels et non comme des représentations ; de plus il ne faut pas opposer les connaissances scientifiques aux illusions des sens, les unes et les