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que cherche à saisir l’idéalisme dont parle M. Eucken, un idéalisme différent sur bien des points de ce que la tradition philosophique entend par ce mot.

Freiheit und Notwendigkeit als Elemente einer einheitlichen Weltauschauung, par le Dr . Jos. Aus. Fröhlich. 1 vol. in-8° de vi-51 p., Leipzig, les successeurs de M. Heinsius, 1908. — La première partie du livre de M. Fröhlich est essentiellement historique. Nous avons, face à face, le sentiment intime et profond de la liberté, d’une part, la détermination causale et sans exception (restlose) de tout phénomène, de l’autre. Sont-ce là choses conciliables ? Un Mécanisme étroit (streng) le nie. Cependant bien des efforts ont été faits, dans l’histoire de la philosophie, pour tenter cette conciliation. Ils consistent, en général, à rejeter la liberté du monde sensible dans un monde supérieur, inconnu de nous (unserer Erkenntnis entrückte ; Kant, Petersen), ou à en faire le résultat d’une certaine manière d’envisager les choses indépendamment de toute causalité (Kern, Windelband, zu Dohna, von Rohland, Messer, Farner). Mais toutes ces solutions ne satisfont nullement aux exigences de notre sentiment de la liberté, qui se place au sein même de la réalité.

Pour M. Fröhlich, tant qu’on admettra la valeur absolue d’un système mécaniste, il n’y aura pas place pour la liberté. Mais cette conception mécaniste (mechanistische Weltauffassung) est contradictoire : elle considère le monde comme un système limité et fermé, alors que les lois mécaniques elles-mêmes présentent comme une impossibilité le mouvement d’un pareil système. Nous ne considérerons donc les sciences mécaniques (mechanistischen Naturwissenschaften) que comme les éléments d’une conception purement spirituelle de l’Univers (geistigen Weltauschauung).

Et c’est ici que M. Fröhlich introduit la notion de finalité (Zweck), ou mieux de « mouvement ou tendance à une plus haute unité » (Bewegeing ou Willen zur höheren Einheit). Ce qui revient à assimiler la marche (Vorgang) du monde dans son ensemble au progrès de notre propre volonté (unserem Willensprozess), qui consiste à élever sans cesse le degré d’unité de notre « moi ». Le monde apparaît donc comme « un tout vivant » (ein lebendiges Ganzes) qui réalise à l’infini, en des formes toujours plus hautes, l’Idée d’unité (die Idee der Einheit).

Cette unité, c’est forcément l’unité d’une pluralité. Aussi le monde se manifeste-t-il sous la forme d’individualités. « Ce qui











doit se synthétiser (zusammenschliesseri) en une unité doit d’abord se particulariser (sieh sûndern). La tendance à l’individuation, qui est celle, précisément, de tout individu, n’est donc au fond que l’expression de la tendance générale à l’unité. Le déroulement phénoménal de l’Univers nous apparaît dès lors comme une sorte de collaboration du tout et des parties, si bien qu’il ne faut plus dire « Il y place (Raum) pour la liberté à côté de la nécessité », mais bien « la causalité dans l’Univers (Weltkausalitilt) exige la liberté comme sa condition". Mais alors pourquoi cete opposition (G~e~i’eMMKy) dans notre eonseienceentre « liberté et « nécessité » ? C’est qu’en notre individu, justement, s’entre-croisent les deux courants l’un allant à l’individuation absolue, l’autre à l’unité du tout, c’est-à-dire de l’Univers. Et nous avons à faire un choix (Wahl) entre l’une et l’autré direction (Richtùng). Avec cette possibilité de choix, nous entrons dans la sphère de la moralité (des Silllïchen). La loi de tendance à l’unité du tout n’apparaît plus comme un « il faut », une nécessité, mais comme une règle (Norm), un « tu dois (dù soUst). Plus, par conséquent, un esprit individuel concevra clairement les relations des phénomènes et les forces naturelles et les fera concourir à son but, plus grande sera sa valeur morale. L’humanité n’est donc pas un être, un état de fait (Sein), mais un effort constant t (bèstàndige Streben) vers l’harmonie. En chacun de ses individus se trouvent, tendances primordiales, la tendance à l’individuation et la tendance (Neigung) vers le tout les deux tendances, et le choix laissé entre elles, constituent la personnalité morale (sittliche Personlichkeil). La plus haute expression de la volonté d’une unité plus élevée, c’est l’amour (die Liebe), union du sujet et de l’objet, de la partie et du tout. L’amour, c’est comme la réalisation anticipée de l’unité achevée que l’on rôve. Il dépasse la science, qui n’est que connaissance de synthèses partielles. Et cet amour condense son objet en une « personnalité absolue » ; (absolute PersônUchkeit), qui est Dieu (Gott). C’est donc dans la notion d’unité que M. Jos. Frôhlich a trouvé le principe d’une union de la nécessité et de la liberté. Qu’il ait réussi à réaliser cette union, nous n’oserions l’affirmer il proclame bien que « de l’heureuse union de l’un et de l’autre jaillit une réalité plus haute ».. Mais il nous semble faire là un peu un acte de foi. D’autre part, il a emprunté