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« esthéticiens ignorent la terminologie de la psychologie physiologique, et vice versa » (p. 252), mais encore là où l’on traite de questions identiques par des méthodes, au fond peu différentes ; on semble s’ignorer à dessein, « man philosophiert an einander vorbei », comme le dit l’auteur d’un mot aussi pittoresque qu’intraduisible (p. 5). Peut-être est-ce à cette circonstance qu’est dû le peu d’influence que la philosophie allemande contemporaine semble exercer dans le pays même. C’est M. Stein lui-même qui relève cette diminution du prestige, si considérable autrefois ; il ne le constate pas seulement en parlant du pragmatisme (cf. plus haut, chap. II), mais encore, ce qui est infiniment plus significatif, à propos des livres de M. Haeckel qu’il représente sur son « char triomphal » poursuivi par l’idéalisme « vociférant et injuriant ». Cependant le livre même de M. S. nous semble constituer une démonstration encore plus péremptoire peut-être, quoique indirecte. Quel aveu humiliant en effet que d’être obligé de traiter sérieusement, de consacrer un chapitre entier à un marchand d’orviétan pseudo-philosophique tel que M. H. S. Chamberlain, et de constater qu’il a tant de prise









sur l’opinion publique que des philosophes autorisés ont fini par le prendre au sérieux. Mais la cause indiquée par M. Stein suffit-elle expliquer cette situation ? M. Stein proteste quelque part contre l’exagération des études scienti.fiques chez les jeunes philosophes d’à présent. Nous croirions volontiers que c’est l’extrême contraire qui, dans le passé immédiat, a nui à la philosophie allemande. C’est une situation qui date de fort loin elle semble s’être établie, en dépitdeWoSff, immédiatement après Leib’niz, au point que Kant apparait, à ce point de vue, comme une exception ; de son vivant déjà, la séparation est complète, comme on le voit par la fameuse épigramme où Schiller proclame l’éternelle hostilité entre philosophes et savants. Qu’il y ait, à ce point de vue, un changement important, nu ! ne le contestera et, par exemple, des noms comme ceux de MM. Mach et Ostwald d’une part, de M. Lasswitz, de M. Herman Cohen et des disciples de ce dernier, (parmi lesquels celui de M. Cassirer. brille du plus vif éclat) d’autre part, justifient les espérances les plus hautes. Que si, en même temps, des livres comme ceux de SI. Stein contribuent à, faire cesser l’isolement des groupes et des sous-groupes, il est certain que la philosophie allemande ne tardera pas à reprendre, dans

la vie intellectuelle de la nation, sa brillante position d’autrefois. Un index des noms cités facilite gran— ̃ ! dément l’usage du volume. Le Sens de l’Existence. Excursions i : d’un optimiste dans la philosophie con— ïi temparainei par Limwio Stein, professeur à l’Uriiyèrsife/Ie Berne. 1 vol. m-S* de xi— I 532 p., Paris, Giard et Brière, 1909. – M. Chazàud nous donne une traduction vivante et bien française du Sinn des Daseins paru en i9’0i, et dont ia Revue de Métaphysique a rendu compte (supplément de mai 1908, p. 6). Cette traduction a ajouté et retranché à certains ehapitres, et prépare ainsi le livre plus récent de Ludwig Stein sur les courants philosophiques contemporains » ; mais elle offre un exposé plus clair et plus brillant de l’optimisme social qui est la doctrine de l’auteur. Naturalismus oder r Idealismus ? ï Nûbeli’ede gehalten su Stockholm par Rudolf Ecckek. 1 brochure in-8 de i’3 p., Stockholm,’imprimerie royale, 1009. La prix Nobel de littérature est destiné, comme on sait, à un écrivain de tendance idéaliste. M. Eucken, l’ayant obtenu, ne pouvait donc mieux faire que d’exposer à cette oceaaiori la pensée centrale de son œuvre et de montrer, par la même, dans quel sens il est idéaliste, Oui ou non, l’homme est-il capable de s’élever vers un monde essentiellement différent de l’animalité ? Voilà la question qu’il faudrait essayer de résoudre pour pouvoir décider : du sort dé l’idéalisme et du naturalisme. S’il n’y avait dans l’homme que de l’animalité, le naturalisme serait la vraie philosophie. Mais tout l’ensemble de notre vie ne fait, selon M. Eucken, que réfuter ; la thèse du naturalisme. Qu’est-ce, en effet, que l’immense progrès de la science et de l’industrie, de l’art, de la philosophie, de la morale, sinon l’évolution d’une vie surhumaine au sein, de— l’humanité, , lin.courant de vie universel qui nous aide à dépasser l’état de nature ? Il n’y a pas de vie substantielle, c’est-à-dire il n’y a pas d’enrichissement interne de notre vie, s’il n’y a’pas une supériorité et un mouvement interne du tout de la réalité. Une autre preuve de la présence d’une vie surhumaine au sein de l’humanité est, selon M. Eucken, le vide, le mécontentement intérieur de l’homme moderne malgré le progrès de la civilisation nous sommes malheureux parce que nous nous sentons dépossédés d’une vie surnaturelle, qui a son fondement en elle-même et qui obéit à ses fins propres. C’est cette vie supérieure, ce mouvement ascensionnel de l’univers, cette vive réalité vivante