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REVUES ET PÉRIODIQUES

Archiv für Systematische Philosophie (année 1908).

L. StlinLe Pragmatisme. Un nouveau nom pour de vieilles méthodes. Deux articles : No 1, p. 1-9. No 2, p. 143-188. — Dans son premier article, Stein montre l’importance et l’intensité du mouvement pragmatiste actuel par une brève étude historique et documentaire où James tient la première place ; il rappelle, en finissant, les nombreux articles qui ont suivi en Amérique, en France, en Italie et en Allemagne l’apparition du dernier livre de James : Le Pragmatisme (1907), aussitôt traduit par W. Jérusalem.

Dans le second article, il examine successivement l’histoire du terme « pragmatisme », — la méthode pragmatique, — la théorie génétique de la vérité des pragmatistes. Pour le mot même, Stein remonte jusqu’à Aristote, qui oppose πρᾶγμα, réalité ou vérité psychologique à διάνοια, garantie de la vérité logique, et aux stoïciens, qui impriment au mot πρᾶγμα sa signification téléologique. Dans les temps modernes, il signale l’emploi par Kant du terme pragmatique, qui a chez lui une nuance de dédain et ne regarde que le plus bas degré de la connaissance. Les historiens purs et les historiens de la philosophie ont également connu une « méthode pragmatique. » Enfin le mot et l’idée étaient dans l’air, quand James y a accroché son système (p. 143-155). La méthode n’est pas plus nouvelle que le mot : c’est essentiellement un essai de réduction du logique au téléologique, de la vérité à l’utilité. Par son subjectivisme, son empirisme son réalisme du fait particulier, elle se rattache étroitement à la tradition philosophique anglaise. Son finalisme a même de plus lointains ancêtres : d’abord Socrate, puis Aristote, et surtout les écoles post-aristotéliciennes : stoïciens et épicuriens (p. 155-164). La théorie génétique de la vérité est également le lointain aboutissement de vieux courants philosophiques : le dogme de l’efficacité, mesure et juge de nos vérités relatives, est une tradition de la philosophie anglaise ; Hume et Mill sont les ancêtres de James. Qu’est-ce donc que le pragmatisme ? « Au point de vue de la théorie de la connaissance, un nominalisme ; pour la psychologie, un volontarisme ; pour la logique, un énergétisme ; pour la métaphysique, un agnosticisme ; pour l’éthique, un méliorisme, fondé sur les principes de l’utilitarisme de Bentham-Mill. » Il réunit tous ces éléments en une synthèse originale. Et l’on n’aurait qu’à louer cet effort d’explication philosophique, s’il voulait avouer l’a priori du telos, de la fin qu’il postule et exercer une critique de cet a priori, qui ne vaut peut-être pour la science comme pour l’action. Et l’on reconnaîtrait peut-être alors que le pragmatisme traduit, plus encore qu’une doctrine, un tempérament : le volontarisme, qui a de longue date déjà opposé sa représentation de l’univers à la représentation mécaniste des rationalistes et à la représentation sentimentale des romantiques.

Max Frischeisen-Köhler. Science de la nature et connaissance de la réalité (p. 10-23). — Dans cet article, l’auteur plaide judicieusement la cause du mécanisme. Les sciences de la nature, à l’origine de la science moderne, s’étaient constituées comme un réalisme mécaniste, en opposition à l’apparence sensible. Mais le criticisme a réagi et réhabilité le donné ; il a dénié à la science, construction abstraite et schématique, le droit de se donner comme l’expression d’une réalité beaucoup plus riche et plus variée. Le formalisme mathématique a trouvé son expression la plus complète dans la doctrine énergétique. Mais l’énergétisme est loin de se suffire complètement et d’abord il suppose des données de fait qui lui échappent ? de plus, il dépasse la simple description du donné et postule des principes hypothétiques. Mais on revient par là à des hypothèses de structure ; et, dès que l’on a recours à des hypothèses de structure, on ne saurait rejeter le mécanisme, à moins de démontrer la fausseté originelle de son principe ce que l’on ne fait pas. Sans doute le mécanisme ne nous fait pas atteindre des réalités plus hautes que les objets visibles et tangibles, mais il nous permet de nous représenter des réalités de même nature, que nous ne saurions atteindre directement par nos sens et nos instruments, et de compléter ainsi notre représentation du monde.

Martin Meyer. Religion und Lebensgenuss (p. 24-30). — Court article où l’auteur se propose d’établir que la religion — prise sous sa forme idéale — et le bonheur, coïncident réellement, en tant que « la religion est le motif d’un progrès qui vient à la conscience comme bonheur ». « Par la religion, se réalise le progrès de l’individu dans le sens du progrès général. » Malheureusement les concepts introduits nous semblent d’une généralité et d’un formalisme désespérants : par exemple, la religion est « la synthèse, l’unité