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(Syllabus), par W. P. Montague et H. H. Parkhurst. 1 broch. de 38 p., New-York, Seiler, 1920. — Brochure intéressante à feuilleter, qui montre le plan d’un cours professé à Columbia University. En critiquant le matérialisme, le dualisme, le phénoménisme et l’idéalisme, et en même temps en montrant les motifs profonds de ces doctrines, les auteurs s’efforcent de donner l’idée d’une philosophie synthétique qui tienne compte, comme le matérialisme, des données fournies par les sciences inorganiques, des données des sciences organiques comme le dualisme, qui accepte les enseignements du pragmatisme en tant qu’il est une théorie du concret, du pratique, du social, d’une philosophie qui apprécie enfin la valeur religieuse de l’idéalisme, — mais qui sait, d’autre part, que chacune de ces doctrines, si elle est élevée à l’absolu, devient insuffisante. — Une classification des doctrines est toujours difficile à faire ; il ne semble pas que les auteurs du cours aient échappé à toutes les difficultés : le « matérialisme méthodologique » (mécanisme) peut fort bien être soutenu soit par un idéaliste, soit par un dualiste. — On retrouve dans cet opuscule à la fois une certaine conception esthétique de la philosophie qui doit être celle de H. H. Parkhurst, et certaines des idées réalistes de W. P. Montague. — Notons l’insistance sur l’indéterminisme, l’affirmation de la liberté, la conception des lois statistiques.

La filosofia contemporanea, par Guido de Ruggiero, 2 vol. in 16 de 271 et 292 p., 2e édit., Bari, Laterza, 1920. — Cette deuxième édition d’une histoire de la philosophie contemporaine qui décrit successivement le mouvement philosophique en Allemagne, France, Angleterre, Amérique et Italie, reproduit intégralement la première édition de 1912. La seule addition consiste en un appendice qui prolonge l’exposé donné par l’auteur de la philosophie italienne. Cet appendice débute par une sévère critique du mouvement néo-scolastique de Louvain, suivie d’une étude sur la néo scolastique italienne. Il signale ensuite les études historiques et sociales qui touchent de près au mouvement philosophique et termine par une recension de quelques nouveaux ouvrages italiens (Varisco, Aliotta, Croce, Gentile). L’auteur justifie dans sa préface l’ordre d’exposition qu’il a choisi et qui reproduit en somme celui du Grundriss d’Uëberveg. Il affirme que la philosophie est devenue chose nationale et que chaque philosophie s’alimente de sa propre tradition, en ignorant plus ou moins ses voisines. Il y aurait beaucoup à dire sur cette thèse qui ne nous semble nullement-démontrée. Il est vrai que l’auteur lui-même semble la vérifier en passant sous silence Fouillée, Guyau et Hamelin ; mais les choses ne vont pas toujours ainsi. On rencontre dans tous les pays des disciples de Kant et d’Hegel ; le pragmatisme de James s’est élaboré dans l’atmosphère du criticisme de Renouvier et se reconnaît débiteur du bergsonisme ; ce que l’auteur appelle le « modernisme » de M. Le Roy ne s’apparente pas moins à James qu’à Bergson. L’auteur prétend que la philosophie italienne est lettre morte hors d’Italie ; plus d’un Italien complétera cependant avec fruit la maigre et injuste page consacrée par M. de Ruggiero à Campanella par le beau livre de L. Blanchet, et nous n’ignorons pas en France les œuvres de B. Croce, par exemple. Ne serait-ce pas exactement le contraire qui serait ici la vérité ? L’exemple de l’Italie est celui d’une philosophie qui, pour le plus grand dommage de l’humanité, a perdu ses traditions ; elle est aujourd’hui encombrée par l’idéalisme hégelien. En revenant à ses grands penseurs, qu’elle méconnaît et qu’elle oublie : saint Thomas, saint Bonaventure, Bruno, Campanella, elle redeviendrait à la fois traditionnelle et universelle. C’est la grande leçon que donne l’histoire de la philosophie. Quoi de plus grec, et quoi de plus universel cependant, que les philosophies de Platon et d’Aristote ? Une pensée ne se particularise pas, elle s’universalise au contraire en se nationalisant.

Il pragmatismo nella filosofia contemporanea, Saggio critico, par Ugo Spirito, 1 vol. in-16 de 222 p., Florence, Vallecchi, 1921. — L’auteur de cet « essai critique » sur le pragmatisme a cru que, pour apprécier à sa valeur ce mouvement intellectuel, un certain recul était nécessaire. Au plus fort de la controverse, partisans et adversaires ne pouvaient dégager la signification exacte d’une doctrine en voie de formation ; d’ailleurs, en Italie, on s’était un peu hâté de condamner sans entendre, parce que l’on avait souvent confondu avec la pensée instable et frémissante de G. Papini et de ses amis du Leonardo, les thèses moins outrancières de James, de Schiller et de Dewey. Aujourd’hui, il faut « remettre les choses au point, reconnaître l’indiscutable valeur du pragmatisme, montrer toute sa signification historique et préciser aussi les raisons de sa faiblesse ». C’est ce qu’a essayé de faire M. Spirito.

Si l’on situe le pragmatisme anglo-saxon dans son milieu historique, on doit le considérer comme une réaction violente, mais nécessaire, d’une part contre la tradition empiriste qui affirme la passivité du