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vation qui est commun à tous les hommes et grâce auquel ils se considèrent comme les parties d’un tout. Et de ce même besoin naît spontanément la croyance aux esprits. C’est une erreur de penser que la croyance aux esprits a produit la religion. Comme nous venons de le voir, l’origine de la religion doit être cherchée ailleurs. Mais, de fait, nous ne connaissons pas de religion qui n’implique la croyance aux esprits. Dans le cas des Australiens, la notion de l’âme revêt, dès l’origine, un caractère sacré. Par l’intermédiaire de son totem, chaque individu soutient des relations avec son ancêtre et se sent solidaire de cette force puissante qui, par l’organe du culte totémique, anime le clan tout entier. L’existence ne comprend qu’un nombre d’âmes limité ; celles des nouveau-nés sont considérées tantôt comme des réincarnations directes des âmes des ancêtres, tantôt comme provenant de germes semés par les ancêtres. L’âme, c’est le principe totémique incarné dans un sujet particulier. Les rêves et les phénomènes analogues ont pu contribuer à la formation de la croyance aux âmes ; ils n’en expliquent pas l’origine. C’est la persistance du clan, continuant imperturbablement sa vie à travers les générations consécutives qui a suggéré aux hommes cette idée que les âmes nouvelles de ceux qui viennent de naitre pourraient bien être les continuations directes d’âmes ayant déjà vécu. A ce degré primitif du développement, l’idée de l’immortalité n’a pas encore une portée morale. La croyance à la survie des âmes des trépassés aussi bien que la croyance aux esprits puissants, fondateurs de tout. ce qu’il y a de bon au monde, dérivent du totémisme. De dieux proprement dits, la religion de l’Australie centrale n’en a pas. Mais une première étape du chemin qui mène à leur création a été parcourue on constate une tendance, de plus en plus marquée, à séparer du commun des ancêtres les grands hommes d’autrefois dont parlent les mythes et les légendes. Les grandes fêtes qui réunissaient la tribu tout entière et non seulement les membres d’un clan particulier, conféraient surtout aux héros de la tradition légendaire un caractère plus élevé et plus universel une évolution s’accomplissait celle qui va du totémisme aux idées qui caractérisent les religions plus avancées. —

L’étude de la religion élémentaire, dont l’Australie centrale nous fournit un exemple typique, n’est pas seulement très instructive en ce qui concerne la vie religieuse proprement dite ; elle jette aussi une vive lumière sur cette époque reculée où la religion représentait à