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REV. Méta. T. XXII (n« 6-1914). 47

LA PHILOSOPHIE ET LA LITTÉRATURE CLASSIQUES C’est l’une des prétentions de l’Allemagne que d’affirmer la continuité de la pensée allemande depuis le xviii" siècle jusqu’à nos jours, de soutenir que c’est le même idéal qui inspire la spéculation de ses philosophes classiques et les actes de ses généraux et de ses soldats, de proclamer que, lutter contre le militarisme allemand, c’est lutter contre la civilisation allemande, telle que l’a forgée le génie de Gœthe et de Schiller, de Kant, de Fichte, de Schelling et de Hegel. Et cette prétention a trouvé des échos chez nous. Chez nous aussi, l’on a tenté de démontrer que c’est la philosophie allemande qui, en dernière analyse, est responsable, non seulement des théories insensées des Treitschkeetdes Bernhardi, mais aussi de la manière dont les a réalisées la soldatesque allemande à Louvain, à Aerschot et à Reims. C’est là la thèse que je voudrais examiner. L’Allemagne, telle qu’elle s’est révélée dans cette guerre, telle que l’ont modelée les victoires prussiennes de 1866 et de 1870, est-elle vraiment la même que celle qui avait ébloui Mme de Staël et Cousin, Michelet et Quinet, Taine et Renan ? Ou bien l’Allemagne nouvelle a-t-elle dévié de l’orbite que lui avaient tracée ses grands penseurs, a-t-elle trahi l’idéal de ses philosophes, s’est-elle montrée indigne du grand héritage que lui avait légué son classicisme ? Le problème est sans doute trop vaste pour être embrassé entièrement dans les pages qui vont suivre. Aussi ne pourrai-je qu’en esquisser les contours. Mais peut-être pourrai-je cependant projeter quelque lumière sur une question qui vaut la peine d’être étudiée en toute impartialité, avec la seule préoccupation de voir clair et de dire vrai.

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DE L’ALLEMAGNE

ET LES DOCTRINES PANGEKMANISTES