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raison humaine, et qui, par suite, est d’avance hospitalière à des esprits tels que les vôtres.

Puisse votre séjour dans notre pays vous être utile et agréable, puisse revenir sur vos lèvres, quand vous nous quitterez, le mot de Marie Stuart : la douce France.

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La création de ce congrès a, si je ne me trompe, une signification qu’il serait intéressant de chercher à définir.

Tout d’abord elle implique une certaine conception des mathématiques. ̃ Pourrait-il être sérieusement question de philosophie mathématique si les mathématiques devaient être, en leur développement, strictement enfermées dans le cercle de leur utilité pratique, comme le demandait le positivisme d’Auguste Comte ? Privées de leurs spéculations les plus hautes, sous le prétexte, fallacieux peut-être, que ces spéculations ne servent à rien, réduites à de simples recettes plus ou moins compliquées, elles resteraient étrangères à cette recherche anxieuse de la vérité en soi, qui caractérise la philosophie.

Vous n’auriez pas non plus songé à organiser une réunion de mathématiciens et de philosophes, si, considérant les mathématiques comme un simple instrument de l’expérimentation scientifique, vous ne leur aviez attribué d’autre rôle que de substituer, dans celle-ci, la mesure quantitative à l’appréciation qualitative. Les mathématiques, ainsi comprises, seraient, certes, une partie essentielle de la science, mais ne ressortiraient pas à la philosophie.

D’autre part, si vous teniez les mathématiques pour une création tout arbitraire et une sorte de jeu de l’esprit, vous verriez dans les mathématiciens des dilettantes, jugeant un peu lourde et naïve la prétention qu’ont les philosophes de parler de vérité et de valeur absolue.

Enfin, vous ne vous contentez pas non plus, à la manière des pragmatistes, de la vérificabilité expérimentale, comme critérium de la vérité. Il n’y a là qu’une constatation, et vous voulez comprendre, penser, pénétrer la signification des choses.

En un mot, les mathématiques sont pour vous ce qu’elles étaient pour les anciens Grecs une science, dans toute la force du terme, la science la plus claire, la plus parfaite dans son genre que nous con-