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esprit anime également les argumentations qui sont les plus éloignées de nous, ces argumentations souvent pareilles à des toiles d’araignées compliquées et fragiles.

Et quels sont donc les traits principaux, du moins quelques-uns des traits les plus caractéristiques de cette œuvre totale de Maïmonide, analysés un peu plus précisément aujourd’hui, huit cents ans après sa naissance ? Maïmonide était, dirons-nous, avant tout, non seulement quand il s’agissait des problèmes cosmologiques, en matière de métaphysique et de philosophie religieuse, un simplificateur, et par là même un novateur ; il démêlait, arrangeait, clarifiait toutes les constructions théoriques trop compliquées et trop confuses, pour autant que le sujet le permettait. Dans sa codification du Talmud également, on remarque cette singulière transformation des broussailles des lois rituelles et des prescriptions juridiques du Talmud en un tout systématiquement ordonné et infiniment plus sommaire et transparent. Et c’est ainsi encore qu’au second livre de son Moreh Newuchim (II, 11) nous trouvons une thèse remarquable qui est comme le programme méthodique de son œuvre philosophique. « Si un système, nous dit Maïmonide, ne peut expliquer certains faits que grâce à l’hypothèse de quatre sphères, alors qu’un autre système explique les mêmes faits par l’hypothèse de trois sphères, nous sommes justifiés à préférer la théorie qui repose sur le plus petit nombre des suppositions. » C’est, il est vrai, seulement en passant que Maïmonide formule cette idée rectrice « des Denkes der Welt gemäss dem Prinzip des kleinsten Kraftmasses » à propos d’une question astronomique qui concerne Ptolémée. Mais elle marque l’orientation générale de toutes les théories qui, chez lui, portent sur des points spéciaux.

Partout il essaie, en pénétrant au cœur des problèmes particuliers, de réduire les difficultés au minimum, sachant qu’il reste encore assez de difficultés dans les combinaisons de détails. Les antinomies les plus difficiles à résoudre ne se montrent en général que dans les questions les plus hautes, les plus générales. Les esprits inférieurs – la chose est notoire, – à quelque époque que ce soit, tendent à se dérober aux complications les plus graves de l’existence. Ils cherchent à émousser les contradictions les plus profondes : connaissance et croyance, causalité et liberté, révélation et pensée naturelle.