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croyant. Chez Maïmonide, au contraire, il n’est guère possible d’apercevoir quelque part la plus petite atteinte à l’équilibre entre la pensée critique et la pensée de foi.

II

Union de la croyance et du savoir voilà la formule couramment employée à propos de l’œuvre philosophique de Maïmonide ; elle a fait l’objet de variations infinies comme aussi elle a donné lieu à un nombre infini de réflexions triviales et banales. Car cette formule, « union de la foi et de la science », nous fait – il est vrai — aujourd’hui l’impression de quelque chose de légèrement creux, de légèrement désuet, lorsque nous songeons de quel contenu scientifique et en partie aussi de quel contenu religieux il s’agit. Il faut l’avouer ouvertement et l’on ne porte pas tort, ce faisant, à la grandeur de Maïmonide : trop manifestement les thèmes de sa science et de sa foi ne sont plus au centre de nos préoccupations scientifiques et religieuses. Et surtout les spéculations vastes et lâches de Maïmonide sur la doctrine aristotélicienne et néo-platonicienne de la constitution du monde sublunaire et céleste, des quatre éléments, feu, eau, air et terre et du cinquième élément, la « quintessence », par-dessus et par delà la sphère lunaire, ou les théories sur le mouvement circulaire des astres et sur les mouvements rectilignes des corps terrestres – toutes ces fantaisies cosmologiques n’ont d’intérêt aujourd’hui que pour le seul historien.

C’est un fait paradoxal, mais indéniable : un domaine fort étendu de questions particulières qui préoccupèrent le premier Moyen Age est infiniment plus éloigné de nous que le monde des problèmes essentiels des classiques grecs ou de la Bible qui sont pourtant plus vieux de mille années. Mais, et c’est ce qui nous étonne, chaque fois que nous voulons aujourd’hui comprendre Maïmonide, ses spéculations les plus éloignées de nous sont perpétuellement pénétrées par la force d’un esprit qui a été, en un sens tout à fait particulier, à la fois un rationaliste radical et un juif infiniment croyant. Même le contenu du problème qui nous est le plus étranger est ici toujours pénétré, soulevé par ce souffle passionné qui a marqué dans l’histoire du monde, et cet