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G. BELOT. LA, VALEUR MORALE DE LA SCIENCE. 433

et consistant que forme la pensée scientifique, pour conserver le bon en éliminant le mauvais. Demandons nous donc quel est le rapport général et essentiel de ces deux valeurs primordiales qui sont la science et la morale.

I. II nous paraît tout d’abord nécessaire d’examiner et d’écarter une solution simpliste qu’on serait peut-être tenté, par un préjugé assez naturel, de proposer ou de sous-entendre d’emblée. C’est celle que j’appellerais volontiers le Concordisme. On sait qu’on appelle ainsi, en théologie, la théorie selon laquelle la foi et la science, étant toutes deux divines à leur manière, ne sauraient être en désaccord ; on affirme ainsi a priori la nécessité et la réalité d’une telle concordance avant de l’avoir établie par l’examen réel des deux systèmes d’affirmations. On pourrait de même ici préjuger avant tout examen, que l’accord ne peut manquer de se produire et d’exister virtuellement entre la Morale et la Science on professerait ainsi une sorte de concordisme moral où la morale se substituerait à la religion.

J’estime pour ma part qu’il n’y aurait là qu’un pur préjugé et que le Concordisme, qui est entièrement discrédité sur le terrain de la théologie ne serait pas ici mieux justifié au point de vue de la méthode ni plus heureux au point de vue des résultats. Pourtant il vaut la peine d’examiner les raisons qui pourraient nous suggérer un tel préjugé ; nous serons alors en état de mieux comprendre pourquoi cet accord de la science et de la morale ne s’impose pas a priori, et peut-être ne se vérifie pas en fait.

Nous sommes portés à préjuger cet accord tout d’abord par une raison toute pragmatique, c’est que nous le souhaitons. Un certain optimisme nous rend déplaisante l’idée d’une discordance qui nous obligerait au sacrifice, au moins partiel, d’une des deux fonctions auxquelles nous tenons à peu près également, quoique pour des raisons différentes. C’est aussi le motif fondamental du concordisme religieux, comme peut-être, dans une certaine mesure, de l’attitude de Kant dans le conflit qu’il croit observer entre la raison théorique et la raison pratique a priori, il postule que, malgré cette apparence, elles sont au fond conciliables. On se rassure ainsi, on veut éviter un trouble douloureux de la conscience, en se persuadant que le conflit est tout apparent. On sauve l’unité de la vie psychologique en décrétant un accord qu’on ne perçoit pas. C’est une résolution commode, mais dont sans doute ne peuvent être bien satisfaits