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lois lui confère celui de juger : « Sitôt qu’il s’agit d’un fait ou d’un droit particulier sur un point qui n’a pas été réglé par une convention générale et antérieure, c’est un procès où les particuliers intéressés sont une des parties et le public l’autre... Il serait ridicule de vouloir alors s’en rapporter à une expresse décision de la volonté générale qui ne peut être que la conclusion de l’une des parties et qui par conséquent n’est pour l’autre qu’une volonté étrangère, particulière, portée en cette occasion à l’injustice et à l’erreur. » Il faut donc que le pouvoir judiciaire soit un pouvoir distinct.

Quant au pouvoir exécutif, qui est si contesté aujourd’hui dans la démocratie française, le théoricien absolu de la démocratie a reconnu non seulement que ce pouvoir devait exister, mais encore qu’il était nécessaire qu’il eût une force propre lorsqu’il a dit : « Il faut à la force publique un agent propre qui la réunisse et la mette en œuvre selon la direction de la volonté générale, qui serve à la communication de l’État et du souverain, qui fasse en quelque sorte dans la personne publique ce que fait dans l’homme l’union de l’âme et du corps. Le gouvernement est une personne morale douée de certaines facultés. » Et encore « Il lui faut un moi particulier, une sensibilité commune à ses membres, une force, une volonté propre qui tende à sa conservation. » Et plus loin : « Le gouvernement est une personne morale douée de certaines facultés. » Et encore « Il lui faut un moi particulier, une sensibilité commune à ses membres, une force, une volonté propre qui tende à sa conservation. »

Dans les petits États, où l’écart entre la volonté du souverain et celle des particuliers ne saurait être très grand, le pouvoir exécutif peut être faible sans danger. Mais dans un grand État, il faut au pouvoir exécutif une très grande force ; et comme, suivant la pensée de Rousseau, le gouvernement se relâche à mesure que le nombre des magistrats s’accroît, il faut qu’une grande démocratie constitue une certaine unité de magistrature. Les Constituantes des États-Unis, quand elles ont assuré au Président de la République une initiative considérable, se sont visiblement inspirées des vues de Jean-Jacques, et je crois qu’aujourd’hui il conseillerait formellement à la démocratie française de donner toute force à son pouvoir exécutif.

C’est ici que se place la théorie de Rousseau sur le gouvernement parlementaire. Jean-Jacques est beaucoup trop sévère pour ce régime qui est l’essai au moins de la liberté. Il faut donc se rendre compte de la force avec laquelle il le montre comme l’organisation raisonnée de l’asservissement populaire. Il fallait être démocrate comme il l’était pour dénoncer hautement le parlementarisme anglais du XVIIIe