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É. DURKHEIM. ROUSSEAU PÉDAGOGIE. 161

Texte 6. L’idéal

« Un être sensible dont les facultés égaleraient les désirs serait un être absoument heureux. »

(I, p. 127.)

Mais que suppose cet équilibre ? Que l’être ne se développe pas sans terme, s’arrête ou est arrêté. Idée de la borne, ,de la limite infranchissable. « Le monde réel a ses bornes, le monde imaginaire est infini » (p. 129). Cet équilibre se réalise naturellement chez l’animal. Partout dans la nature. Est donc aussi dans la destinée de l’homme. Mais plus difficile à réaliser. A des facultés superflues, virtuelles. Texte 7. Facultés virtuelles

« Tous les animaux ont exactement les facultés nécessaires pour se conserver. L’homme seul en a de superflues. N’est-il pas bien étrange que ce superflu soit l’instrument de sa misère ? »

(1, p. 130.)

Texte 8. Les facultés virtuelles (Absence de borne) « [La nature] a mis toutes les autres [ceUes qui ne sont pas actuellement nécessaires] comme en réserve au fond de son âme [de l’homme] pour s’y développer au besoin. Sitôt que ces facultés virtuelles se mettent en action, l’imagination,, la plus active de toutes, s’éveille et les’devance. » (I, p. 128.)

A l’état de nature, elles sommeillent. Mais qu’un rien les réveille. S’étendent au delà du donné. Anticipation. Désadaptation. Et alors, on ne sent plus la limite.

Imagination.

Texte 8 bis. « C’est l’imagination qui étend pour nous la mesure des possibles soit en bien soit en mal, et qui par conséquent excite et nourrit les désirs par l’espoir de les satisfaire. Mais l’objet qui paraissait d’abord sous la main fuit plus vite qu’on ne peut le poursuivre ; quand on croit l’atteindre, il se transforme et se montre au loin devant nous. Ne voyant plus le pays déjà parcouru, nous le comptons pour rien ; celui qui reste à parcourir s’agrandit, s’étend sans cesse ; ainsi l’on s’épuise sans arriver au terme ; et plus nous gagnons sur lajouissance, plus le bonheur s’éloigne de nous. » (I, p. 128.)

V. Qu’en résulte-t-il ? Rien ne peut plus nous satisfaire. Ne savons qu’inventer. Et puis, quoi que nous fassions, sommes limités. Le monde ne nous cède pas. D’où une sensation de surprise douloureuse.

Texte 9. Utilité du sentiment de résistance « Accoutumés à voir tout fléchir devant eux, quelle surprise en entrant dans le monde, de sentir que tout leur résiste et de se trouver écrasés du poids de cet univers qu’ils pensaient mouvoir à leur gré » (I, p. 151.)

(Or, pour cela, il faut qu’ils soient en présence des choses.)