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Rev. Meta. – T. XXI (n« 2-1913). 11 ~i

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L’IDÉE DE DIEU ET L’ATHÉISME

AU POINT DE VUE CRITIQUE ET AU POINT DE VUE SOCIAL 4 Les propos que je vais tenir ce soir -m’auraient, il y a cent ans, fait destituer ; il y a deux cents ans, ils m’auraient mené à la Bastille ; il y a trois cents ou trois cent cinquante ans, ils m’eussent peut-être conduit au bûcher.

Si je dis cela, ce n’est pas que j’aie la naïveté ou la forfanterie de croire que ces propos soient très subversifs. Au contraire mon but est de vous montrer que la peur de l’athéisme est assez chimérique. Mais je voulais, en vous faisant d’un coup d’œil mesurer l’affaiblissement progressif des sanctions sociales infligées aux opinions métaphysiques réputées dangereuses, vous faire sentir d’emblée que, dans le danger en question, il y a beaucoup plutôt une théorie de philosophes qu’une réalité effectivement sentie et reconnue expérimentalement par les sociétés. On se dit, en vertu d’une tradition ancienne et d’habitudes d’esprit tenaces, tradition et habitudes qu’on s’efforce de justifier après coup par une ratiocination philosophique ou théologique, que l’athéisme doit être dangereux ; toutes ces traditions’ et toutes ces théories seraient compromises si l’athéisme n’était pas un monstre redoutable. Mais en réalité les sociétés paraissent n’avoir plus aucune peur réelle de l’athéisme, parce que le mot lui-même et l’idée n’ont plus aucun sens précis ni vivant, sinon pour la conscience de certaines personnes prises individuellement. La conscience publique s’intéresse de moins en moins à la question, et la réflexion philosophique, en s’y appliquant, montre, à mon avis, qu’elle ne doit plus s’y intéresser en effet d’un intérêt pratique. C’est ce que je voudrais vous faire sentir aujourd’hui. Je prévois bien qu’en parlant ainsi je donne à penser à plus d’une 1. Conférence faite le 11 février 1913 à l’école des Hautes Études sociales.