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Descartes, lorsqu’il disait que le terme suprême de nos études doit être de nous rendre capables d’un jugement solide et vrai, non seulement à propos des choses scientifiques, mais en toute espèce d’occurrence. C’est elle que, comme conclusion de sa morale, il se proposait de cultiver durant toute sa vie, en la nourrissant et de connaissances scientifiques et d’expériences morales. Il l’appelait bona mens ; il ne la croyait pas toute faite en nous, a priori, ni susceptible de parvenir en nous à sa perfection. Elle avait cependant, selon lui, son évidence, qui différait de l’évidence des sens et de l’évidence de la dialectique abstraite, et sans laquelle ces deux dernières seraient sans garantie.

N’est-ce pas, en effet, une réalité solide, que cette faculté concrète, artificiellement décomposée par les philosophes en raison théorique et raison pratique, qui rallie à soi toutes les intelligences humaines, et leur fournit un terrain d’entente ?

La science a pour elle le fait : la raison peut invoquer sa continuité, son développement régulier qui concilie le progrès avec l’identité, et son empire croissant sur l’humanité.

Elle ne fournit pas des connaissances inertes et matériellement objectives, à la manière de la science : elle n’est pas simplement une faculté de connaître. Elle est une faculté de contrôle et de jugement. Elle a ses principes, qui ne sont pas, comme le voudraient les rationalistes dogmatiques, définis ou définissables a priori, mais qui se lisent plus ou moins clairement, comme une pensée vivante à travers un texte, dans l’histoire intellectuelle et morale de l’humanité. Ils se résument, en gros, comme l’avaient vu les Grecs, dans la notion de la convenance et de l’harmonie, superposée à celles du possible et du réel.

C’est au nom de ces principes que la raison repousse l’idée d’un monde qui devrait au hasard son existence et ses lois. Elle demande que ce qui est donné soit rattaché, non seulement a d’autre choses, simplement données, elles aussi, et encore tributaires du hasard, mais à quelque cause qui lui communique un sens raisonnable, une véritable intelligibilité.

Or, la science étant impuissante à résoudre le problème, il paraît raisonnable de chercher, d’un autre côté, et de s’adresser cette source d’idées que nous trouvons en nous-même, à la conscience.

Dira-t-on que les explications que nous pourrons tirer d’une telle source sont, d’avance, frappées de discrédit, comme irrémédiable-