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IL Y A FAGOTS ET FAGOTS…


Pour se faire expliquer une question qu’on n’a pas comprise, c’est une méthode fort élégante mais un peu cavalière, que de s’aviser de l’enseigner à ceux qui la savent. On risque de. s’attirer une verte réplique, dont on tire son profit. Je recueille aujourd’hui le bénéfice de celte méthode répréhensible, sans qu’on puisse m’imputer l’odieux de l’avoir employée volontairement. Si, après la lecture du livre de Brunhes, j’ai eu l’idée d’écrire sur la dégradation de l’énergie, c’est que je croyais avoir compris la question mieux que lui. Quand le Directeur de la Revue de métaphysique m’annonça la réponse de mon adversaire, je lui répondis avec une présomption que mon âge n’excuse plus : « Qu’est-ce qu’il va bien pouvoir dire ? » Cette présomption ne venait pas seulement d’une confiance injustifiée dans la logique de mes raisonnements ; elle était corroborée en outre par un grand nombre de lettres approbatives, reçues des gens les plus « avertis » au sujet de l’article incriminé ; car il est bien certain, comme le dit Ostwald, que le second principe de l’Énergétique n’a guère pénétré, jusqu’à présent, la conscience des hommes cultivés.

M. Xavier Léon vient de me communiquer l’épreuve de l’article de Brunhes, et, en quelques instants, les écailles me sont tombées des yeux. J’ai compris le caractère erroné d’une formule que je chérissais depuis plus de sept ans, et qui avait résisté victorieusement à la lecture de « La dégradation de l’Énergie ». C’est que, dans son livre, l’auteur n’avait pas eu mon erreur en vue, tandis que j’ai exprimé cette erreur d’une manière très claire dans l’article de la Revue philosophique auquel il veut bien répondre aujourd’hui. Si je suis humilié, non sans doute de m’être trompé, mais d’avoir manifesté une confiance présomptueuse dans ma logique personnelle, cette humiliation disparaît immédiatement devant la joie que j’éprouve en découvrant enfin une erreur dont je souffrais depuis si longtemps ; et je ne saurais être trop reconnaissant à mon ami