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idées directrices de la tâche qu’elle se donne, notre science, de plus en plus rigoureusement expérimentale, dépend des choses, loin de s’imposer à elles. Une telle science recueille ce que, dans les choses, elle découvre d’ordre intelligible et utilisable pour l’homme. Elle est contente de trouver ou se prendre dans les faits très complexes qui s’offrent à nous : elle laisse à la métaphysique le souci de savoir si au fond de ce complexe relativement stable il y a des natures simples et immuables, dont les phénomènes que nous observonss seraient les résultantes nécessaires.

En face, donc, de la science, il y a le monde, ensemble de choses données, lesquelles, à travers les traductions qu’en imagine la science, et les moyennes qu’elle emploie pour se les assimiler, se manifestent à la raison comme contingentes.

Pouvons-nous, maintenant, nous contenter de cette conclusion ?

Contingence : c’est le caractère du fait pur et simple, lequel, isolé, reste inexpliqué, et semble, dès lors, avoir pu également se produire ou ne pas se produire. C’est un concept relatif à une vue extérieure des choses, et où ne peut se tenir l’esprit qui réfléchit. La raison demande : de quoi cette contingence est-elle le signe ? Recouvre-t-elle le hasard pur et simple, ou est-elle le signe de quelque puissance autre que le hasard ?

I

L’explication de la contingence des choses par l’intervention de ce qu’on nomme le hasard paraît exclue, avant tout examen philosophique, par la science elle-même. Pour elle, un fait contingent ne saurait être autre chose qu’une donnée brute, qu’il lui appartient de réduire à des lois connues. La science admet des problèmes, non des mystères. Le hasard, à ses yeux, n’est que la mesure de notre ignorance.

La science, certes, nie le hasard. Mais en quel sens ; et que vaut au juste sa négation ?

La science est la formule d’une certaine question que l’homme pose à la nature. Elle signifie : Peut-on expliquer tous les phénomènes dont la nature se compose, à l’aide des lois nécessaires, sans faire intervenir le hasard ?

Comment donc la science, en tant que science, pourrait-elle