Page:Revue de métaphysique et de morale, numéro 1, 1912.djvu/3

Cette page n’a pas encore été corrigée

ment les mêmes. Ce fait prouve que la pensée humaine est plus uniforme qu’on ne le croit d’ordinaire ; il, réfute à la fois les nominalistes, qui prétendent que la logique dépend exclusivement des formes du langage, et qu’il y a « autant de logiques que de langues » ; et les sociologues ou ethnologues qui, exagérant la diversité des races d’après les caractères physiques et extérieurs, tendent à établir entre elles une hétérogénéité fondamentale au point de vue intellectuel, et admettraient volontiers que chaque race a sa « logique » spéciale. Ce qui ressort de cette vaste exploration linguistique, c’est, malgré l’énorme différence matérielle des langues et leurs divers degrés de développement, l’unité essentielle de l’esprit humain. Cela donne encore plus de valeur philosophique aux conclusions de ces recherches, car cela nous permet d’affirmer que la structure de nos langues ne correspond pas seulement à une logique « latine », « européenne » ou « aryenne », mais à la Logique tout court[1].

I. — Les Classes de Mots.

La distinction la plus fondamentale (et la plus générale aussi) que présentent les « catégories grammaticales » est celle du nom et du verbe. Pour le linguiste, elle est définie par certaines différences morphologiques ; essayons d’en donner une définition logique. Le verbe exprime une action, un état, une relation, en résumé, un fait, un événement ; il implique un élément d’affirmation (d’assertion, pour mieux dire), car il exprime toujours le fait sous une certaine modalité (qui est précisément le mode), dans un certain rapport avec l’existence ou la réalité. Le nom, au contraire, exprime un être ou une chose, en un mot, un objet, réel ou imaginaire, existant ou non existant, sans impliquer aucune assertion à son sujet. Cet objet peut être ce qu’on appelle une qualité abstraite ; nous savons bien que les notions de qualités ne sont pas plus « abstraites » que les autres, que le courage n’est pas plus une abstraction que le courageux, ou que l’homme. Ce que le nom exprime, c’est un concept, une notion abstraite et générale (plus ou moins abstraite, plus ou moins générale, peu importe ici).

  1. Nous nous référons aux articles que nous avons déjà publiés ici sur des sujets connexes : Sur une application de la logique au problème de la langue internationale, 1908, p. 761 ; Des rapports de la logique et de la linguistique dans le problème de la langue internationale, 1911, p. 509.