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elle serait exactement limitée à la surface d’équidéformation. L’Océan recouvrirait alors la Terre entière sur une épaisseur de 2 600 mètres environ. Si, ensuite, sur la même épure, on affectue le tracé de la courbe hypsographique réelle, ou courbe hypsographique empirique, résultant des observations géodésiques, on est conduit, par la comparaison des deux courbes, à diverses constatations instructives, que la figuration adoptée met nettement en lumière. L’allure de la courbe déduite des observations se trouve expliquée rationnellement. Notamment, l’influence des mouvements orogéniques sur l’ensemble du modelé apparaît bien moindre qu’on ne l’imagine communément, au regard des effets de l’érosion et de l’accumulation des sédiments. Il convient, d’ailleurs, de rappeler que l’interprétation de la courbe hypsographique a déjà tenté les géodésiens et les géographes. Romieux y a consacré un mémoire marquant ; Wegener a pris comme point de départ de sa théorie les inflexions de la courbe ne répondant pas à la loi des écarts ; Baulig a récemment appliqué une méthode statistique analogue à l’analyse du relief de la Bretagne. Le livre de M. Soulier, qui renferme un grand nombre de déterminations numériques, fournit un bon exemple de la pénétration des méthodes statistiques en géologie, domaine où les hypothèses tectoniques, souvent conjecturales, ne sauraient intervenir seules pour rendre compte du relief terrestre.

Étude sur le Parménide de Platon, par Jean Wahl, 1 vol. in-8o, 277 p. Paris, Reider et Cie, 1926). — Cette étude, qui paraît dans la Collection de philosophie et de mystique, dirigée par Pierre Morhange, avait, si nous ne nous trompons, été présentée à l’Académie des Sciences morales et politiques, qui lui avait décerné le prix Victor Cousin. M. Wahl a seulement complété son texte, « tel qu’il était en 1923 », par des références à l’introduction de M. Diès pour une excellente traduction du Parménide dans la collection Budé, par un Appendice où le scrupule de M. Wahl le porte à enrichir de quelques nuances complémentaires un ouvrage déjà si riche en nuances profondes et précieuses. M. Wahl, en effet, a utilisé, pour interpréter Platon, trois procédés qui, à chaque instant, se rencontrent et finissent par converger : suivre dans chacune de ses sinuosités, si subtil, si inextricablement subtil qu’il paraisse, le cours éristique du dialogue ; ne négliger aucun des commentaires, si divergents qu’ils soient entre eux, dont l’antiquité ou la critique moderne l’ont accompagné ; enfin, se souvenir et, au besoin, s’inspirer des philosophes, postérieurs à Platon, si éloignés qu’ils aient été ou qu’ils se soient crus du platonisme. Aucun résumé ne saurait être tenté qui donne une idée de la maîtrise avec laquelle M. Wahl s’est acquitté de la tâche triplement formidable qu’il s’était proposée. Il a su ramener tous les détails d’une argumentation qui égale en virtuosité dialectique la difficulté du texte vers le thème central du retour à Platon. Mais nous pouvons emprunter à la conclusion de M. Wahl la page où il a lui-même condensé le résultat de son effort : « Comprendre le Parménide, c’est donc suivre un mouvement ou, plutôt, plusieurs mouvements de la pensée, tourbillonnant en quelque sorte sur elle-même, prouvant à la fois la transcendance et l’immanence de l’un, l’ɛ̀πέχεινα, faîte étincelant dont nous aspirons en vain à redescendre, et la χοτνωνίχ, le caractère absolu et le caractère relatif de la négation comme de l’affirmation, poursuivant le chemin des hypothèses diverses pour se débarrasser de toutes les hypothèses et pour les rassembler toutes, et au bout de cette πλάνη voulant condenser dans un instant, dans cette chose absurde qui n’a pas de place dans le temps, le développement même du temps. L’effort de la dialectique serait de s’achever et de s’annihiler dans l’instant, comme dans le τρίτον, de façon qu’on ne passât plus du blâme à la louange, d’une thèse à une autre, de l’affirmation à la négation, mais que la pensée les contînt en soi en même temps. Et ce tourbillonnement n’est pas vain : l’idée d’un monde ordonné se constitue dans le désordre ; au néant de la première hypothèse, au chaos de la seconde, à l’éclair de la troisième succède l’ordre. L’absolu reste, impensable et présent. Mais relativité et spiritualité ont été en même temps affirmées » (p. 219).

La Philosophie de saint Anselme. Ses principes, sa nature, son influence, par Charles Filliatre. 1 vol. in-8o de xv-473 pages. (Collection historique des Grands Philosophes.) Paris, F. Alcan, 1920. — L’exposé de la philosophie de saint Anselme est une entreprise que l’histoire de la philosophie médiévale tente périodiquement, et que, malgré son apparente simplicité, il est malaisé de mener à bien. L’auteur de ce nouvel essai s’y est du moins employé sans ménager sa peine et apporte d’intéressants résultats. Après avoir tenté de définir les rapports de la