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constances favorables ne suffisaient pas. Il a fallu en outre des personnalités exceptionnelles et des races exceptionnellement douées. C’est en Grèce, et avec la révolution socratique qu’ont été jetés les fondements de la vraie science. Mais il s’est encore écoulé des siècles avant l’avènement des disciplines positives.

L’auteur analyse les causes, plus d’une fois signalées avant lui, de l’avortement partiel de la science grecque. Au Moyen Âge s’est même reconstituée l’unanimité mystique originelle. Une nouvelle révolution a été nécessaire, et c’est avec Descartes qu’elle s’est accomplie. L’ère de l’investigation scientifique est-elle maintenant définitive ? On n’en sait rien. Les régressions sont toujours à craindre. Le dogmatisme tend invariablement à restaurer les formes inférieures de l’explication, et à remplacer l’état problématique par l’état théorématique.

Seul, le doute né du libre examen est générateur de progrès.

Dans son ensemble, la conception de M. Essertier est visiblement d’accord avec la tradition philosophique et l’histoire. Sa critique pénétrante et souvent décisive écarte les théories trop simples, imprégnées d’un déterminisme préconçu, de même que la métaphysique nébuleuse des purs sociologues. On pourrait toutefois lui reprocher certaines affirmations trop tranchées, lui demander à quel critère exactement il reconnaît ce qu’il dénomme forme supérieure de l’explication. Nous ne pensons pas qu’il y en ait finalement d’autre que le succès, ce qui n’est pas un critère rationnel. Il est vraiment trop facile de répéter : Qui jugera la Raison, si ce n’est elle-même ? On ne voit pas bien non plus pourquoi il tient tant à opposer la science à la technique, alors qu’il reconnaît lui-même que « l’attitude du savant est celle de l’homo faber » (p. 268). Enfin, c’est peut-être aller trop loin que d’attribuer à un génie individuel, fût-il Descartes, l’impulsion qui a déclenché le formidable mouvement de la science moderne. Mais n’insistons pas sur ces objections de détail et contentons-nous d’acquiescer sans réserve à la conclusion : « L’humanité, pas plus que l’individu, n’a de sens en dehors de son histoire. Elle est devenue ce qu’elle est. L’étude des origines et des transformations n’est pas un simple chapitre des sciences psychologiques et sociales : elle en est une partie essentielle » (p. 348). L’importance du point de vue historique n’a jamais été mieux mise en lumière, ce qui est déjà assez dire en faveur de ce livre fort remarquable.

Le Relief de la Terre ; ses origines, ses lois, son évolution, par Paul Soulier, 1 vol. in-8o de x-432 p. avec figures et planches hors texte. Paris, Alcan, 1925. — Bien que ce travail ne rentre pas dans le cadre des ouvrages habituellement analysés dans le Supplément, nous croyons utile de le signaler ici parce qu’il constitue un intéressant essai d’application du calcul des probabilités et de la méthode statistique à l’étude du relief du sol. Au point de vue épistémologique, c’est une tentative qui mérite à tout le moins de retenir l’attention.

Si l’on appelle points du sol terrestre des éléments de la surface de la lithosphère ayant même superficie en projection horizontale et suffisamment petits pour que chacun ait sensiblement la même altitude sur toute son étendue, la courbe hypsographique est formée par tous ces points, rangés dans un même plan vertical par ordre d’altitude décroissante. On peut considérer le globe comme suffisamment connu pour que l’allure générale de cette courbe ne subisse pas de modifications notables par le progrès des mesures topographiques. M. Soulier propose une interprétation nouvelle de cette courbe en partant de l’idée que le relief terrestre résulte à tout moment des processus orogéniques créant les inégalités du sol, et de l’action des fluides superficiels, qui tendent à niveler ces inégalités. Il appelle relief structural le relief terrestre tel qu’il se présenterait en l’absence de toute érosion, et courbe hypsographique structurale la courbe représentant ce relief dans les mêmes conditions que le relief actuel. Pour tracer la courbe hypsographique structurale, il l’assimile à la courbe des écarts, telle que la définit le calcul des probabilités, mais en tenant compte du sens des écarts par le moyen d’ordonnées positives et négatives. Il obtient ainsi une courbe à point d’inflexion, au lieu de la classique courbe en cloche, concave dans la partie des ordonnées positives et convexe dans la partie des ordonnées négatives, l’axe des abscisses correspondant à l’altitude zéro, c’est-à-dire au niveau d’équidéformation, antérieurement considéré par A. Romieux, qui représente une surface de niveau idéale, telle que les terres situées au-dessus ont exactement le même volume que celui des eaux situées au-dessous, de sorte que, si la Terre était parfaitement nivelée, suivant une surface géodésique,