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il est manifeste que toutes les confessions qui produisent le même ordre de preuves se placent sur le même rang. Et la racine de leur autorité se découvre d’elle-même. Catholique pratiquant qui maintenait avec énergie contre le mouvement de la Réforme le conformisme de la tradition et de l’Eglise, Montaigne écrit : « Nous sommes chrétiens à même titre que nous sommes Périgourdins ou Allemands ». Et Pierre Charron, le pieux théologal, lui fait écho : « L’on est circoncis, baptisé, juif et chrétien, avant que l’on sache que l’on est homme ».

Qui a entendu de telles paroles ne saurait les oublier On s’amusera sans doute à écrire : « Plaisante justice qu’une rivière borne. Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà. » Mais il est impossible ensuite de ne pas songer que la parole d’apparence pieuse qui tourne en dérision l’effort humain est un prélude au thème d’ironie supérieure : « Plaisante religion qu’une mer borne. Vérité au nord de la Méditerranée, erreur au sud. » Pascal a ressenti la force de cet entraînement. Nous savons, par le manuscrit des Pensées, avec quelle loyauté il se donne à tâche de répondre. Ce n’est pas seulement à Moïse, c’est encore aux faux prophètes, qu’il reconnaît le pouvoir de miracles authentiques. Il se préoccupe des Chinois comme de Mahomet ; il n’aurait pas négligé non plus les objections tirées des premières rencontres des Européens avec les indigènes d’Amérique, les analogies entre leurs pratiques barbares et les rites chrétiens. Est-il besoin de dire avec quelle ampleur et quelle précision l’étude comparée des religions positives s’est développée depuis Pascal, quel champ d’exploration elle offre à un rationalisme qui ne se soucie que d’y puiser les éléments les plus riches et les plus significatifs pour une histoire naturelle de l’esprit humain ?

II

Il semble donc que nous soyons au point mort. Dogmatisme et scepticisme opposent, non pas d’une part les apologistes et d’autre part les philosophes, mais les apologistes entre eux comme les philosophes entre eux. On rencontre dans l’histoire des apologistes qui considèrent la pétition de principe comme un sophisme, aussi bien que des philosophes pour qui ce serait bien