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l’admirable développement que la logistique a pris de nos jours semble avoir guéri l’esprit humain d’une illusion séculaire quant à la portée du raisonnement déductif, qui est incapable par sa structure même d’intégrer les postulats auxquels il est suspendu, qui est condamné, par conséquent, à se mouvoir dans le cercle d’hypothèses où il s’est enfermé des ses démarches constitutives : la victoire du nominalisme sur les systèmes de dialectique conceptuelle qui se sont succédé d’Aristote à Hegel est la victoire du bon sens.

Pour peu, toutefois, qu’on ait souci de ne pas brouiller soi-même ses idées, on devra refuser de contraindre la raison à l’alternative du dogmatisme ou du scepticisme. Depuis Kant, sinon depuis Socrate et depuis Descartes, nous savons que cette fonction consiste à s’emparer d’un phénomène naturel, d’un acte volontaire, pour le mettre en connexion avec d’autres phénomènes ou avec d’autres actes, de manière à former l’unité de l’expérience scientifique ou de la conduite morale. A quelle loi obéit ce travail de coordination, l’analyse le démontre à mesure qu’elle fait, apparaître à la conscience la série des conditions qui régissent le développement du sujet intellectuel, qui égalent sa capacité de vérité ou de justice à l’immensité des espaces célestes, à la totalité des êtres humains.

De là se dégage un premier point qui nous paraît capital pour la clarté du débat. Il est impossible de déterminer les propriétés des nombres sans spécifier qu’il s’agit de nombres, soit entiers soit fractionnaires, soit positifs soif négatifs ; de même, nous ne devrons pas discuter des rapports entre la raison et la religion sans cette précaution courtoise de définir soigneusement celle des interprétations de la raison à laquelle nous renvoyons notre interlocuteur. Trop souvent, en effet, il est arrivé que, mélangeant les axes de référence implicitement choisis, on a été conduit à des conclusions, qui s’expriment en termes incompatibles et qui, cependant, se concilient sans peine quand on va au fond des choses.

Plaçons-nous donc d’abord au point de vue dogmatique. L’exemple du stoïcisme suffit à montrer comment s’opère alors de lui-même le passage d’une théologie rationnelle à la théologie révélée. Leibniz, de son propre aveu, n’a fait que reprendre dans la Théodicée la tradition finaliste à laquelle Chrysippe avait donné