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RELIGION ET PHILOSOPHIE


I

Lorsqu’on réfléchit à la manière dont les solutions, ou tout au moins les problèmes, se transmettent d’une génération à l’autre, on s’aperçoit que nous vivons en général sur des héritages contradictoires. Et la remarque est surtout à retenir s’il s’agit d’aborder, dans les termes proposés par le Comité d’Organisation du Huitième Congrès international de Philosophie[1], les rapports de la philosophie et de la religion.

Dès le début de notre enquête, en effet, nous avons à opter entre deux attitudes qui sont incompatibles. Ou nous accueillerons les religions telles qu’elles se présentent pour elles-mêmes, apportant la connaissance d’une réalité transcendante au monde que l’homme perçoit naturellement, reliant d’autre part cette connaissance à une idée de la vérité qui elle-même est transcendante par rapport à toute méthode humaine de vérification ; nous admettrons que, pour avoir voulu se hausser hors de son ordre propre, la sagesse profane perd ici ses droits. Ou bien nous traiterons de la religion, c’est-à-dire d’une fonction que l’homme exerce au même titre que la science ou la morale, en écartant le préjugé d’un domaine où l’esprit pourrait se soustraire à la norme qu’il s’est prescrite d’une recherche toujours plus scrupuleuse et plus délicate, où la réflexion sur le passé ne concourrait pas au progrès de l’avenir.

Fénelon voulait que le bon historien oubliât de quel temps et de quel pays il était, afin de se mettre au service de la seule

  1. Le présent article reproduit, avec quelques additions, le texte d’une communication faite à Prague dans la séance du 5 septembre 1934.