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LA THÉORIE DE LA MÉMOIRE AFFECTIVE CHEZ MAINE DE BIRAN


La question de la mémoire affective est toujours ouverte. Les uns affirment, les autres nient son existence. C’est à croire qu’on ne s’entend pas sur sa nature, car si on, savait ce qu’elle est, on ne douterait pas si elle est. Il faut donc commencer par la définir, ou plutôt il faut commencer par définir la mémoire elle-même, pour voir si la survivance et la reproduction des sentiments ont le droit d’y rentrer. C’est là justement ce qu’on conteste. En effet, selon Ribot, pour qu’on puisse parler d’une mémoire des états affectifs, il ne suffit pas que ces états soient reproduits et remis en mémoire par quelque circonstance, il faut encore qu’ils puissent « renaître, spontanément ou à volonté, indépendamment de tout événement actuel qui les provoque ». Le criterium de la mémoire est alors l’évocabilité : on dira que les sentiments relèvent du souvenir s’il est en notre pouvoir de les faire renaître ou s’ils renaissent d’eux-mêmes. C’est aussi ce que soutient Maine de Biran : les souvenirs doivent être « disponibles » ; ils n’existent qu’à cette condition. Mais ils ne sont vraiment disponibles que s’ils reparaissent, non d’eux-mêmes, mais à notre appel. C’est la mainmise ou le pouvoir de la volonté sur les souvenirs qui constitue la mémoire véritable ou proprement dite. Elle n’est pas l’évocabilité ou le rappel en général, mais le pouvoir d’évocation ou la rappel à volonté. Biran est donc plus précis et plus strict dans sa définition de la mémoire que Ribot : aussi se montre-t-il moins disposé à admettre la possibilité d’une mémoire affective et paraît-il la nier.

Le problème de la mémoire pour lui se pose ainsi : Avons-nous les moyens d’évoquer les impressions autrefois éprouvées, à savoir des « signes », qui nous permettent de les reconnaitre et de les