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soit trop pour demeurer, au regard d’un jugement impartial et désintéressé, le Dieu en esprit et en vérité, le seul que la raison puisse avouer parce qu’en lui seul elle est capable de se reconnaître ?

Dans une Assemblée comme la nôtre, il est inutile de souligner les difficultés qui se sont accumulées autour des raisonnements séculaires par lesquels on a tenté de donner l’appui de la logique aux croyances spontanées dont les âges les plus lointains nous ont transmis l’écho, et que les ethnographes retrouvent aujourd’hui dans les sociétés les moins évoluées. L’argument cosmologique est un paralogisme depuis longtemps mis en évidence qu’il y ait de la causalité dans le monde, cela ne prouve nullement qu’il y ait une causalité du monde. Bien au contraire, les conditions de pensée qui rendent légitime l’établissement des relations formant la trame de l’univers que nous connaissons, excluent la témérité d’une extrapolation qui de l’énoncé d’un principe abstrait ferait surgir l’absolu d’un être transcendant à la réalité connaissable. D’autre part, à mesure que l’esprit prend conscience de ce qui constitue son ordre propre, en observant par contre et en comprenant ce qui ressortit aux règnes soit de la matière soit de la vie, il lui devient plus difficile de rencontrer en Dieu une raison explicative de l’univers inanimé ou animé. Non seulement l’optimisme métaphysique n’a pas réussi à deviner et à justifier un plan de création ; mais, pour concevoir l’idée même d’un tel plan, il a fallu supposer d’abord que la terre et l’homme représenteraient pour le Tout-Puissant le centre principal de son intérêt. Or, la science positive a trop agrandi notre horizon spéculatif dans l’espace et dans le temps pour qu’une pareille supposition ne nous apparaisse pas à nous-mêmes assez misérable, contredisant directement la conception que nous sommes parvenus à nous faire de la divinité en tant que telle. La théologie à base physique ou à base biologique, qui projette sur notre monde une vision surnaturelle, ne résout pas spéculativement le problème de la religion.

C’est de quoi il semblera, sinon aisé, tout au moins raisonnable et noble, de nous consoler si nous comprenons que cette impuissance spéculative est la contre-partie d’une faiblesse morale. Pour triompher de l’une et de l’autre, nous devons avoir la résolution de nous convertir à la vérité de l’esprit et d’y convertir