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plutôt une vertu fondamentale, le témoignage en matière profane ou sacrée d’un caractère docile et d’un cœur soumis. Ainsi nous serions amenés à tourner indéfiniment en cercle si la raison ne connaissait, en effet, que les deux positions du dogmatisme et du scepticisme, si elle ne s’était pas frayé un troisième chemin entièrement soustrait à l’arbitraire des principes, au préjugé des systèmes, atteignant le réel par l’accord toujours plus minutieusement contrôlé du calcul est de l’expérience. La science moderne, à partir de Copernic et de Galilée jusqu’à Einstein et jusqu’aux théoriciens de la mécanique quantique, a progressivement révélé la vérité du monde ; et cette révélation implique un redoublement de scrupule à l’égard de notre idée de la vérité.

Or, ce qui constitue le philosophe en tant que philosophe, c’est qu’à ses yeux cette idée demeure une et indivisible. Il ne saurait supporter qu’en changeant de terrain, en adjoignant une épithète à un substantif, l’esprit relâche quoi que ce soit d’une méthode rigoureuse de vérification qui reste, son exigence inflexible. La vérité religieuse devra être la vérité tout court. Il n’y a donc pas à chercher d’autre fondement à la religion ni d’autre contenu. Et cela même est une solution que la religion véritable se définira par l’identité du fondement et du contenu. Mais, de ce point de vue entièrement spéculatif et rationaliste, nous ne dirons pas que la notion religieuse par excellence soit encore à découvrir : c’est le Verbe, que la Grèce a reçu d’Égypte et qui devait devenir le centre de la théologie judéo-chrétienne ; c’est la lumière intérieure, éclairant tout homme venant en ce monde et dont, à mesure qu’il étend et coordonne ses pensées, il éprouve à la fois l’universalité bienfaisante et la fécondité illimitée. La certitude intime, irrécusable, qu’il y a en chacun de nous une présence grâce à laquelle notre intelligence est autre chose qu’une accumulation passive d’images, notre amour autre chose que la poussée égoïste de l’instinct, de telle sorte qu’il n’est pas besoin de nous séparer de nous-même pour nous unir par la racine de notre être intérieur, à la communauté des esprits, voilà ce qu’affirme la religion où le Verbe est Dieu.

La manière même dont est atteinte cette proposition fondamentale implique quelle s’accompagne immédiatement de sa réciproque. Il ne saurait y avoir pour la philosophie d’autre Dieu que le Verbe, compris dans l’immanence qui en assure la spiri-