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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Aussi bien est-il nécessaire de rappeler aux études philosophiques le grand nombre des esprits bien doués pour l’analyse qui se laissent inquiéter par l’appareil compliqué des laboratoires. Considérer l’homme comme une machine, la passion comme une névrose et le crime comme un réflexe, cela nous conduit à être indulgents pour les autres, ce qui est bien, mais aussi à nous abandonner nous-même, ce qui est mal. Une seule idée peut nous soutenir dans notre lutte contre nos préjugés, nos passions et nos vices, c’est l’idée que l’Esprit et la Nature ne sont point deux contraires ; que l’habitude peut combattre l’habitude ; que l’homme n’a à lutter que contre ses erreurs passées, et qu’il peut se transformer et se refaire lui-même au delà de toute limite par un effort patient et une continuelle surveillance de soi-même. Le corps n’est qu’une tradition très ancienne dont la pensée porte le poids ; il faut comprendre que ce n’est point là un poids mort, mais un système vivant d’idées que toute pensée nouvelle et tout effort nouveau modifient tout entier. Affermis là-dessus, nous pourrons, pendant que d’autres cherchent à grand bruit de nouveaux moyens de satisfaire nos désirs et de diminuer nos souffrances, nous efforcer à mieux vaincre les uns et à mieux supporter les autres.

E. Chartier