vons marcher, agir, parler, pleurer, etc., tout en dormant ; le sommeil n’est pour nous qu’une durée, mesurée objectivement, pendant laquelle les souvenirs nous manquent. Aussi l’être qui se réveille ne retrouve-t-il pas son moi tout fait ; il doit se ressaisir, faire une revue rapide de ses idées et de ses souvenirs les plus importants, afin que la vie qu’il va vivre soit rattachée à celle qu’il a vécue avant son sommeil. C’est même dans cet acte, par lequel nous retrouvons et nous recréons notre personnalité, que consiste proprement le réveil : se réveiller c’est se reconnaître. Un homme qui, donnant tous les signes du réveil, se mettrait à prononcer des paroles et à faire des actions qui n’auraient aucun rapport avec ses habitudes, son métier, ses projets de la veille, ne serait pas à proprement parler réveillé, il serait somnambule. Il n’y a pas de différence entre un homme qui fait des rêves incohérents, absurdes, ou simplement sans rapport avec sa vie passée, et un homme qui les vit : tous deux dorment. Être réveillé, c’est vivre selon la raison ; c’est rester d’accord avec soi-même ; c’est suivre, méthodiquement ses résolutions et ses projets ; c’est, en un mot, avoir réellement conscience de soi. On voit par là qu’il y a beaucoup de gens qui passent leur vie à dormir tout éveillés. Inversement il peut arriver qu’un homme soit bien éveillé quoiqu’il présente toutes les apparences du sommeil. Un mathématicien qui résout en rêve un problème difficile, c’est-à-dire qui, en présentant toutes les apparences du sommeil, développe sa vie normale conformément à la raison, est éveillé par définition, car il serait absurde, qu’une pensée vraie fût un rêve.
Supposons qu’un homme ait, dans ses sommeils successifs, des rêves parfaitement cohérents, qui se rattachent très bien les uns aux autres, mais qui n’ont aucun rapport avec ce qu’il fait ou perçoit dans l’état de veille ; ces rêves sont conservés au même titre que ses perceptions ; ils sont, comme les perceptions elles-mêmes, évoqués ensuite dans un ordre quelconque. Appelons A l’état de veille et B l’état de rêve ; a, a′, a″ les perceptions ; b, b′, b″ les images des rêves. À un certain moment sont suscitées les images ab, a′b′, a″b″, dans un ordre quelconque. Si le sujet est à ce moment dans l’état A, qui est l’état de veille, les images a, a′, a″, qui se rattachent à l’ensemble des souvenirs de l’état A, et qui justifient les opinions, les actions et les projets de l’état A, sont rattachées à cet état comme souvenirs et localisées. Quant aux images b, b′, b″ qui les accompa-