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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

mêmes pour former la durée : tout événement en lui-même est instantané. Ce qui dure, ce qui s’organise, ce qui est comme faisant partie d’un ordre, c’est la pensée de cet événement. Le temps naturel ne peut pas être un ordre de succession entre des faits, mais un ordre de dépendance entre des idées.

Le temps n’est donc pas une forme de l’existence, mais une forme de la pensée. Constitué, d’abord par les idées les plus réfléchies et les plus claires, c’est de là qu’il descend dans les idées confuses : l’ordre ne peut venir que de la Raison. Comme il est impossible que l’inexplicable s’explique et explique l’explicable, de même il est impossible que le désordonné s’ordonne, et ordonne l’ordonné. Par nos résolutions réfléchies, le temps est tracé d’avance ; il est abstrait avant d’être concret parce que la fin est voulue d’abord, et les moyens ensuite. Par la conception des moyens et par l’anticipation de leur ordre le temps prend un corps. La localisation des souvenirs est ainsi préparée d’avance. Et, puisqu’il n’y a point de vérité sans la permanence et la durée de certains rapports, on peut dire qu’il n’y a point de connaissance sans une anticipation de l’imagination, sans une préparation de cadres ou de schèmes abstraits dans lesquels les images trouveront l’ordre, c’est-à-dire l’être.

(À suivre.)
E. Chartier.