L’éthique du socialisme présente les plus grandes difficultés, d’ordinaire les auteurs qui s’en occupent cherchent à montrer comment il faudrait résoudre la question sociale, au lieu d’interpréter le mouvement socialiste ; cependant ce mouvement a acquis, aujourd’hui, une si grande étendue et des caractères si nets qu’on peut l’étudier comme un phénomène naturel. Il ne faut pas se borner à discuter les opinions émises par des écrivains socialistes notables ; car l’expérience nous montre que le peuple échappe souvent à la direction de ceux qui croient le conduire ; et enfin, comme le dit M. Merlino, il y a un socialisme des choses bien plus intéressant que le socialisme des socialistes[2].
Toutes les personnes qui ont fait des études historiques savent qu’il est impossible de ramener à un principe unique aucun grand mouvement social ; on échoue toujours lorsqu’on veut définir une époque par une formule abstraite ; cette formule ne s’applique jamais exactement aux faits qu’elle prétend expliquer. Partout l’on trouve un mélange de deux principes contraires ; ils correspondent à deux systèmes de tendances et de sentiments qui se mêlent, se heurtent et se combinent, sans que les acteurs du drame aient conscience du rôle complexe qu’ils jouent et de l’hétérogénéité de leurs motifs d’action.
Il est très facile de reconnaître dans le socialisme contemporain deux conceptions éthiques opposées l’une est celle du droit naturel, l’autre celle du droit historique ; la première, inspirée des traditions de la bourgeoisie libérale, se rattache à la Révolution française ; la seconde, développée principalement sous l’influence de Marx, puise