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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

§ 16.

Passons à la troisième proposition. Il est certain que c’est la mesure de la quantité qu’on se propose pour but dans l’étude de la géométrie métrique, tandis qu’en géométrie projective on a en vue d’autres applications. C’est ce qu’indiquent déjà les noms donnés à ces deux géométries.

Mais laissons de côté cette préoccupation des applications habituelles de ces deux sciences, et plaçons-nous à un autre point de vue. Pourquoi refuser de regarder le rapport anharmonique comme une quantité ? Parce qu’on peut le construire avec la règle seule. Mais la distance métrique peut être construite avec la règle et le compas. Pourquoi la règle est-elle un instrument qualitatif et le compas un instrument quantitatif ?

Voici trois points en ligne droite ; voici d’autre part quatre points situés sur un même cercle ; ce sont là deux relations ; pourquoi la première est-elle qualitative, et la seconde quantitative ?

Parce que la définition du cercle suppose déjà la quantité ? C’est ce que je n’admets pas ; on doit définir le cercle par certains mouvements, qui servent également à définir l’égalité de deux figures et par elle la grandeur spatiale. En d’autres termes ce n’est pas par la quantité qu’on définit le compas, c’est par le compas (j’entends un compas idéal) qu’on définit la quantité.

Il y aurait mieux à dire. En géométrie projective, pourrait-on objecter, la quantité ne peut s’introduire parce que le tout y serait égal à la partie. Deux ensembles de points, le second n’étant qu’une partie du premier, peuvent en effet être projectivement équivalents.

Cela est vrai, en effet, si on prend le point pour élément de l’espace, mais cela cesserait de l’être si on prend pour élément le triplet, c’est-à-dire un système de trois points en ligne droite.

Ces considérations, sur lesquelles je ne veux pas insister davantage, font voir dans quelle mesure cette troisième proposition est vraie, mais aussi dans quelle mesure elle est fausse. À mes yeux, la seule géométrie dont on puisse dire en toute rigueur qu’elle est purement qualitative, c’est ce qu’on appelle l’Analysis situs, cette branche de la science où non-seulement une ellipse n’est pas regardée comme qualitativement différente d’un cercle, mais où elle n’est même pas regardée comme qualitativement différente de toute autre courbe fermée.