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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

Comparaison des deux géométries.
§ 14.

J’en ait dit assez pour qu’on voie ce qu’on doit penser des trois propositions que j’énonçais au début et dans lesquelles M. Russell oppose la géométrie projective et la géométrie métrique.

Il me semble qu’il ne reste rien de la première d’après lequel l’une serait a priori, l’autre empirique. Aucun axiome géométrique n’est empirique ; la plupart de ces axiomes ne sont pas non plus a priori, au sens que M. Russell donne à ce mot.

Mais alors s’ils ne sont ni empiriques ni a priori, que sont-ils, quelle position intermédiaire pouvez-vous imaginer ?

On peut en imaginer beaucoup. Il y a d’abord celle de Kant, qui admet des jugements synthétiques a priori.

M. Russell estime au contraire que la plupart des axiomes, s’ils ne sont pas des jugements analytiques, peuvent être déduits analytiquement de la croyance à la possibilité de l’expérience.

C’est cela qu’il n’a pas réussi à établir. Il n’y a aucune raison pour faire au postulat d’Euclide un sort privilégié parmi les axiomes. Ceux de la géométrie projective ne sont ni plus ni moins a priori que lui.

Outre la forme euclidienne et la forme lobatcheffskienne, beaucoup d’autres formes d’extériorité restent donc possibles.

Qui décidera entre l’espace et ces « autres formes extériorité, qui, si elles existaient, pourraient remplir le même office avec une égale efficacité[1] » (§ 192) ?

Ce ne peut être l’expérience ; devons-nous croire avec Kant que l’une de ces formes s’impose à nous, a priori et ayant toute expérience, par la nature même de notre esprit et sans que nous puissions expliquer analytiquement pourquoi.

En ce qui me concerne, j’adopte une autre position intermédiaire : je crois que ces autres formes sont non-seulement possibles et pro-

  1. The Kantian argument — which was correct, if our reasoning has been sound, in asserting that real diversity, in our actual world, could only be known by the help of space — was only mistaken, so far as its purely logical scope extends, in overlooking the possibility of other forms of externality, which could if they existed, perform the same task with equal efficiency. In so far space differs, therefore, from these other conception of possible intuitional form, it is a mere experienced fact, while in so far as its properties are those which all such forms must have, it is a priori necessary to the possibility of experience.