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SUR LA MÉMOIRE


Toute recherche doit aller du clair à l’obscur, c’est-à-dire de ce qui est le plus aisé à comprendre à ce qui est le moins aisé à comprendre ; et ce qui est le plus aisé à comprendre, c’est nécessairement ce qui est le plus réfléchi et le plus raisonnable. En d’autres termes, on ne peut expliquer quoi que ce soit qu’en ramenant le confus au clair et l’instinctif au réfléchi. Cette règle si évidente est pourtant méconnue trop souvent par ceux qui font profession de philosophie ; et particulièrement, lorsqu’ils traitent de la Mémoire, ils semblent chercher la difficulté, et craindre de ne pas commencer par ce qu’il y a dans cette question de plus obscur et de plus difficile à expliquer, je veux dire cette forme de la Mémoire qui paraît régie par un obscur mécanisme et entièrement soustraite à l’autorité de la Raison. Car, voulant traiter du souvenir, ils commencent par considérer le souvenir d’une maison, ou d’un visage, ou de quelque autre objet du même genre, comme si nous n’avions pas de souvenirs plus précis, plus certains et mieux ordonnés que ceux-là. Et ceux pour qui la Raison n’est qu’un produit ou, si l’on veut, un résidu des circonstances ne font, en procédant ainsi, que suivre leurs principes. Mais comment ne pas admirer l’imprudence de ceux qui, prétendant défendre les droits de la Raison, se laissent aller à imiter leurs adversaires, et commencent par exclure toute raison de la plupart des fonctions intellectuelles ?

Nous mettrons donc au nombre des lieux communs contestables et dépourvus de tout intérêt le célèbre développement par lequel on montre que la mémoire est une fonction mécanique, indépendante de la volonté et de la raison, inégale et capricieuse comme le beau temps ou la santé. Nous prendrons, au contraire, pour idée directrice que les prétendus caprices de la mémoire ne sont que le résul-