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H. POINCARÉ.DES FONDEMENTS DE LA GÉOMÉTRIE.

Au fond, si l’on traduit tout cela dans le langage mathématique, cela veut dire que les deux géométries ont ceci de commun que l’une et l’autre étudient un groupe ; mais que ce n’est pas le même groupe ; que cependant le groupe métrique est contenu dans le groupe projectif.

§ 6.

M. Russell remarque ensuite fort judicieusement que les axiomes d’Euclide dits arithmétiques ne doivent pas pourtant, au point de vue de leur usage en géométrie, être considérés comme purement arithmétiques. Qu’on me permette d’insister sur ce point plus qu’il ne l’a fait lui-même ; ce que j’ai à dire à ce sujet ne me sera pas inutile dans la suite.

J’étudierai deux de ces axiomes arithmétiques, les autres n’étant à mon sens que de simples définitions.

En premier lieu, deux quantités égales à une même troisième sont égales entre elles. Quel est le sens de cet axiome quand on l’applique à des êtres géométriques, c’est-à-dire à des figures ? Deux figures sont dites égales quand elles peuvent se transformer l’une dans l’autre par des transformations d’une certaine catégorie. Supposons alors que la figure soit égale à la figure , c’est-à-dire que l’on puisse passer de à par une transformation , appartenant à cette catégorie ; et d’autre part que la figure soit égale à la figure , c’est-à-dire que l’on puisse passer de à par une transformation appartenant également à cette catégorie. L’axiome nous apprend que la figure sera égale à , c’est-à-dire que la transformation qui change en doit appartenir encore à cette même catégorie. Donc la catégorie de transformations qui sert à définir l’égalité des figures doit être telle que si deux transformations et en font partie, il en sera de même de leur combinaison . C’est ce que les mathématiciens expriment en disant que cette catégorie est « un groupe ». Ainsi le sens de notre axiome en géométrie, c’est que les transformations qui servent à définir l’égalité des figures doivent former un groupe.

Le second axiome s’énonce ainsi le tout est plus grand que la partie, ou plutôt, le tout ne saurait être égal à la partie ; c’est-à-dire, au sens géométrique parmi les transformations par le moyen desquelles on définit l’égalité des figures, il ne doit pas y en avoir qui transforme une figure en une partie de cette même figure.