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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

même postulat. En géométrie métrique, ce principe veut dire que rien ne distingue une figure formée d’un point, d’une droite passant par ce point et d’un plan passant par cette droite, d’une autre figure formée également d’un point, d’une droite passant par ce point et d’un plan passant par cette droite. En géométrie projective, ce principe veut dire que rien ne distingue un système de cinq points d’un autre système de cinq points.

Quand je dis par conséquent que le principe de la relativité de position est commun aux deux géométries, cela veut dire simplement que, dans les deux géométries, il y a des choses que l’on ne peut pas distinguer les unes des autres. Mais ce ne sont pas les mêmes choses. Il convient cependant d’ajouter que ce qui est indiscernable pour la géométrie métrique l’est également, pour la géométrie projective ; mais la réciproque n’est pas vraie, et la géométrie métrique permet de distinguer des choses qui seraient indiscernables pour la géométrie projective.

Je sais bien que M. Russell trouvera cette critique ridicule et qu’il répondra : les figures que la géométrie projective ne permet pas de discerner, et que la géométrie métrique distingue, ce sont celles qui sont semblables par la qualité et différentes par la quantité.

C’est se contenter à trop bon marché ; qu’entendez-vous au juste ici par qualité et par quantité ? Pour que votre principe acquière un sens, il faut que vous expliquiez quand on doit dire que deux choses ne diffèrent que par la quantité. Ne dites pas que tout le monde en a le sentiment : je prends un arbitre qui n’est nullement préparé, un monsieur quelconque que je rencontre dans la rue ; je lui montre une ellipse qui est une courbe fermée, et une hyperbole qui se compose de deux branches infinies, et je lui demande « Ces deux courbes diffèrent-elles par la qualité, ou seulement par la quantité ? » Je crois deviner sa réponse ; il n’hésitera pas à dire qu’elles diffèrent par la qualité, ce qui sera une grosse hérésie, tout à fait contraire aux enseignements de la géométrie projective et au principe de relativité tel que le comprend M. Russell.

Au reste, j’examinerai plus loin la question de savoir dans quelle mesure on a le droit de dire que la géométrie projective est purement qualitative.

Pour le moment, je me borne à avertir le lecteur que le mot de relativité de position n’a pas le même sens pour M. Russell dans la section A du chapitre iii et dans la section B du même chapitre.