rivalités entre dialectes et de provincialismes rebelles au purisme orthodoxe, ne s’est pas établi autrement. L’unanimité juridique s’est faite depuis longtemps d’une manière analogue, par d’innombrables coutumes locales apaisant séparément des milliers de discussions de droit (pas toutes, les procès le montrent), coutumes elles-mêmes en conflits, mais accordées en quelques coutumes régionales, qu’une législation uniforme a enfin remplacées. L’unanimité scientifique, opérée lentement, dans une large mesure, par une série de discussions apaisées et renaissantes entre savants, entre écoles scientifiques, donnerait lieu à des considérations pareilles.
Parmi toutes les formes de discussion, il en est une, la discussion judiciaire, le procès (civil ou commercial), qui se signale à l’attention. Est-il vrai que le procès aille aussi s’élargissant, et, par ses agrandissements mêmes, coure à son apaisement ? Oui, si étrange que cette proposition, de prime abord, puisse paraître. D’abord, il est certain que, chez les peuples primitifs, les procès ne diffèrent pas des guerres privées, et, de fait, sans la présence souveraine de l’État-juge, la plupart des différends entre plaideurs se termineraient par des coups. Les procès sont des duels atténués, des guerres embryonnaires. Et, réciproquement, les guerres sont des procès de nations, procès parvenus à leur développement naturel par l’absence d’une autorité supranationale. Si donc on compare les querelles judiciaires d’à présent, devant nos tribunaux, à celles du moyen âge, où les parties étaient des champions armés, et à celles des tribus germaines, on se convaincra que l’ardeur litigieuse n’a cessé de s’adoucir. Et j’ajoute qu’elle s’est adoucie par ses élargissements mêmes. On peut dire, en effet, que les questions de droit se sont élargies à mesure que les coutumes locales ont fait place aux coutumes provinciales, et enfin aux lois nationales : à chaque degré de l’unification juridique, chaque forme de procès, c’est-à-dire chaque difficulté de droit, donnant lieu à deux opinions diamétralement contraires, prend un caractère plus général. Or, c’est en se généralisant de la sorte que chaque espèce de discussion judiciaire aboutit à son terme final, qui est un arrêt de la Cour suprême tarissant la source de ce genre de procès. Combien de sources pareilles ont été taries au cours même de notre siècle!
M’objectera-t-on, par hasard, que les peuples, à mesure qu’ils se civilisent, deviennent de plus en plus discuteurs, et que, loin de se substituer aux discussions verbales privées, les discussions publiques,