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Entre acheteurs, la concurrence va aussi s’élargissant : dans les tout petits marchés primitifs, la compétition d’un sac de blé, d’une tête de bétail, est restreinte à quelques personnes ; à ces innombrables petites compétitions, qui se terminent soit par des unions d’intéressés, soit trop souvent par de petites sociétés locales d’accaparement, succèdent, quand les marches commencent à s’étendre en se raréfiant, des compétitions plus étendues, de plus en plus étendues, qui aboutissent, elles aussi, tantôt à des unions importantes, telles que les syndicats agricoles, tantôt à des sociétés d’accaparement plus vastes, aux trusts et aux cartels gigantesques que l’on sait.

Mais arrivons à la concurrence la mieux étudiée, et, en réalité, la plus intense, parce quelle est la plus consciente, celle des producteurs entre eux. Elle commence par des rivalités sans nombre entre des petits marchands se disputant des marches minuscules, primitivement juxtaposés et à peu près clos les uns aux autres; mais, à mesure que ceux-ci, par l’abaissement de leurs barrières, se confondent en marchés plus grands et moins nombreux, les petites boutiques rivales se fusionnent aussi, soit de gré soit par force, en fabriques plus grandes et moins nombreuses, où le travail producteur, qui naguère était jalousement opposé à lui-même, est à présent harmonieusement coordonné ; et la rivalité de ces fabriques reproduit, sur une plus grande échelle, celle des boutiques d’autrefois : jusqu’à ce qu’on arrive, par l’agrandissement graduel des marchés, qui tendent à devenir le marché unique, à quelques géants de l’industrie et du commerce, qui rivalisent aussi entre eux, à moins qu’ils ne s’entendent.

En somme, la concurrence se développe par cercles concentriques qui vont s’élargissant. Mais l’élargissement de la concurrence a pour condition et pour raison d’être l’élargissement de l’association. De l’association ou du monopole, objectera-t-on. Soit, mais le monopole n’est qu’une des deux solutions que le problème de la concurrence comporte, de même que l’unité impériale n’est qu’une des deux