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4 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

devraient relever exclusivement de la dialectique religieuse, nous trouvons-une forte proportion d’éléments théoriques. Il faut éliminer ces éléments. Il faut aussi distinguer l’ordre dialectique de l’ordre chronologique, car la concordance que l’on peut signaler à cet égard n’a rien de nécessaire et n’est jamais que partielle. De fait, il y a eu, dans la marche des écoles et des systèmes, des événements imprevus, de l’irrégularité, des retours en arrière, tout au moins d’inutiles répétitions, ou de simples épisodes. Or cette considération nous prive d’une ressource importante. N’importe ! Le principe même de la dialectique est réconfortant pour l’historien. Quelle raison de tolérance et de justice entre les écoles ! Et aussi quelle réponse aux f détracteurs de la philosophie qui, depuis les sophistes grecs, se sont plu à mettre en relief ses diversités persistantes ! Eh, sans doute, les philosophes restent divisés aujourd’hui comme dans le passé ; mais on n’en doit inférer que ceci c’est que, par suite de certaines différences de culture, de circonstances, ou de dispositions intellectuelles, les uns s’attachent à telle étape de la dialectique, les autres à telle autre, et que cette diversité donne lieu à une fausse apparence de contradiction. Au fond, il y a plus de désordre que de contradiction ; or le désordre n’est pas irrémédiable. Dès qu’on cessera dé prendre parti exclusivement pour une doctrine et de rejeter absolument les autres ; dès que les philosophes, dépouillant toute étroitesse, viseront à une classification hiérarchique où les doctrines les moins avancées resteront encore comme le soutien des plus avancées, on pourra espérer une entente, relative, mais suffisante, entre les frères ennemis. Certes, la conséquence est digne d’être retenue. ••

En revanche, notre définition de la dialectique met en lumière un inconvénient qui pourrait être grave à savoir l’éloignement progressif de la conscience primitive. J’entends la conscience en quelque sorte spontanée, dont il a été question plus haut ; la conscience avant les arrangements de la science ; avant même la simple affirmation d’existence, où l’on découvre déjà le résultat d’une mise en ordre ; avant la distinction du sujet et de l’objet, c’està-dire de la conscience et de ce qui n’est pas elle ; la conscience qui se confond encore avec la réalité, et qui fournit à la dialectique son point de départ, ses matériaux ; la conscience dont la faiblesse légitime notre artifice, mais qu’on n’a jamais niée, qu’on ne saurait jamais nier, et qu’on peut appeler la « vérité de fait » par distinc-