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86 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

comme la notion de l’absolu est le principe de la pensée logique et de la conscience morale, cette supposition aurait pour conséquence la désorganisation totale dela pensée la logique, la morale, la religion en seraient toutes également dénaturées. Mais, en fait, l’absolu n’est nullement impliqué dans l’antinomie. Bien au contraire s’il y avait la moindre raison de croire que les changements puissent être dérivés de l’absolu, ou être causés par lui, il n’y aurait plus d’antinomie à leur égard. L’antinomie contenue dans l’essence du changement a sa raison, précisément, en ce que le changement, étant le symptôme d’une existence en désaccord ou en contradiction intime avec elle-même, est quelque chose d’anormal, d’étranger à la nature normale et absolue des choses. De là suit également et que tout changement doit avoir une cause, et que l’absolu ne peut jamais être la cause des changements, ou, en d’autres termes, qu’on ne peut penser une cause première et absolue des changements’. L’antinomie renfermée dans l’essence du changement consiste donc en ce que le changement exige une explication et, en même temps, n’est susceptible d’aucune explication. Tout changement en particulier a sa cause et peut être expliqué par elle ; mais le fait qu’il y a en général des changements n’a pas de cause et n’est pas capable d’explication, la série des causes se dérobant à l’infini. Le deoenir doit être conçu comme une manière d’être des choses, qui se perpétue par sa propre impulsion, mais dont il est impossible de comprendre la raison et l’existence.

Le changement étant le symptôme d’une existence anormale, on peut, parle fait du changement, voir avec clarté que tout ce qui est anormal, étranger à la nature normale et absolue des choses, surtout le mal et l’erreur, renferme nécessairement une antinomie, en d’autres termes, exige une explication et, en même temps, ne peut en recevoir aucune. Et c’est là le sens dans lequel les deux termes de l’antinomie sont vrais tous les deux à. la fois. Ce qui appartient à . La méprise de Kant, qui composait l’antinomie d’une thèse et d’une antithèse, faisant entrer ainsi l’idée de l’absolu elle-même dans l’antinomie, a • donné lieu à la « Dialectique », ou à la • Méthode » de Hegel, c’est-à-dire h sa manière de faire passer toutes choses par thèse, antithèse et synthèse, tandis que la méprise de Kant procédait elle-même de sa supposition que nos représentations n’ont point d’objets qui différent de ces représentations. On voit ici, par un exemple curieux, comment les erreurs s’engendrent les unes les autres. Du reste, il est fort probable que Hegel, en niant le principe de contradiction et en érigeant l’absurdité en principe de la pensée, ne faisait que se moquer de son public.