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P. LAPIE. – MORALE DÉDUCTIVE. 569

bien renaît de ses cendres dans le premier cas, on éprouve de la satisfaction morale et dans le second du remords. La satisfaction est rare entre le désir et sa réalisation n’y a-t-il pas presque toujours un écart qui’ crée de nouveaux désirs ? L’attente de l’objet désiré et la possession de cet objet sont deux états de conscience qui rarement coïncident ; l’égalité perdue n’est jamais retrouvée le malaise logique subsiste dans la conscience. En outre, nous continuons après l’acte la délibération qui l’a précédé ; nous nous demandons de nouveau si l’injustice que nous croyions apercevoir était réelle ou illusoire, et, suivant que ce contre-examen confirme ou non le premier calcul, nous sommes satisfaits ou nous avons des remords. J’ai cru, avant d’agir, que mon égal me traitait en inférieur ; et, pour rétablir notre équilibre, je lui ai rendu mépris pour mépris. Puis, je m’aperçois que j’ai mal interprété son attitude, ou que son mépris était irréfléchi et qu’il n’en est pas responsable non seulement la loi de justice n’était pas violée avant mon acte, mais mon acte qui prétendait rétablir l’ordre rationnel l’a détruit entre la première et la seconde délibération il y a conflit : de ce conflit naît un sentiment nouveau,- le remords. Et ce remords peut prendre deux formes ou bien je ne puis plus revenir sur mon acte, quelque chose d’irréparable s’est accompli, toute action nouvelle serait impuissante à rétablir la justice le sentiment prend alors une forme passive, c’est le remords proprement dit. Ou bien il est possible encore de supprimer par une action nouvelle l’absurdité que j’ai créée : le sentiment prend la forme active du repentir. Ainsi les sanctions internes de la loi morale ont la même origine que le sentiment de l’obligation elles naissent à la vue d’une absurdité logique. •

On voit comment des abstractions prennent vie, comment les lois nécessaires de la raison deviennent des principes d’action il suffit que des erreurs soient commises dans l’application des lois rationnelles pour que l’esprit, choqué des contradictions qui en résultent, désire la suppression de ces absurdités. Du principe d’identité nous n’avons pas seulement tiré la formule abstraite du bien, mais les caractères, les modes et les effets du sentiment de l’obligation. La déduction, partie de l’abstrait, aboutit aux sentiments lés plus vivants de l’âme humaine. Sa tâche est terminée