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848 REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

De la définition de l’action se déduit celle de l’agent ce n’es De la définition de l’action se déduit celle de l’agent ce n’est pas un être attaché à la terre, c’est un être qui se croit libre. Si tes causes physiques influent sur son corps, elles ne paraissent pas être les conditions suffisantes .de ses mouvements il s’attribue à luimême le pouvoir de se diriger parla réflexion. L’agent moral, c’est, selon la définition de M. Renouvier, un être doué de réflexion et d’apparente liberté deux caractères qui n’en font qu’un, si l’être ne se croit libre que lorsqu’il a délibéré. La nature des actions donne donc à l’agent sa nature il n’est, en vérité, qu’unsystème d’actions. Les définitions de l’acte et de l’agent suffisent à circonscrire le domaine de la morale. Ces définitions sont conventionnelles on ne se demande pas s’il existe dans la réalité des actions et des agents conformes à ces définitions des événements et des êtres formant un monde à part qui parait se suffire à lui-même. C’est : ainsi que le mathématicien définit la quantité sans se demander si le pur homogène existe dans la nature. Il suffit que le moraliste soit guidé par la vue d’actions à peu près libres comme le géomètre est guidé par la vue d’étendues à peu près homogènes. On ne saurait demander plus d’empirisme à une science déductive-

Toutefois. comme on affirme tantôt qu’il n’y a pas de morale sans liberté, tantôt qu’il n’y a pas de morale sans nécessité, nous devons T dire pourquoi l’apparence de la liberté nous paraît être un postulat t suffisant de la morale. Pour Kant, l’obligation’ et la responsabilité ne s’expliquent pas si la liberté n’est pas réelle la voix de la conscience serait cruellement ironique si elle disait « fais le bien ! » à un être condamné au mal ; et elle serait, inutile lorsqu’elle donnerait le même ordre à des êtres prédestinés à la vertu. Mais pourquoi la voix de la conscience ne serait-elle pas ironique ou inutile ? pourquoi l’âme humaine, comme le corps, n’aurait-elle pas des organes superflus ? Le raisonnement de Kant postule un principe finaliste dont l’évidence est douteuse. Admettons pourtant ce principe le dilemme de Kant réfutera le déterminisme physique, mais non le determinisme psychologique, puisque, dans cette doctrine, l’idée du devoir, loin d’être inutile ou absurde, est l’un des antécédents qui concourent à produire l’acte méritoire ou coupable. C’est donc trop demander que de postuler une liberté réelle pour expliquer l’obligation. . Science de la morale, t. I, p. 2 ; p. S ; cf. t. U, p. 351.