Page:Revue de métaphysique et de morale, 1897.djvu/535

Cette page n’a pas encore été corrigée

-1 ~v

Rzv. Meta. T. V. – 1897. 35

..SPIRITUALISME’ ET SENS "COMMUN

Nous ne saurions oublier, pour notre part, que la première ligne écrite par un philosophe dans notre langue nationale est un appel au bon sens ; si on a. pu y relever quelque trace d’ironie, au moins n’est-il pas douteux que Descartes a nourri ce rêve de créer, ou plutôt de consacrer, dans l’humanité la raison commune, condition de la vérité seientifique et de l’unité sociale. La foi philosophique, • qui implique la possibilité de donner à l’humanité une organisation définitive, implique l’existence d’un sens commun. Aussi la tentative faite par les penseurs écossais du xvnr3 siècle, reprise par Cousin en France, pour établir l’harmonie de la philosophie et du sens commun, nous semble-t-elle répondre à une préoccupation légitime, et qui doit survivre à l’échec de la tentative éclectique. En effet il apparaît que l’éclectisme, s’il a posé le problème, en a méconnu les termes véritables. Pour lui la philosophie est sans consistance intrinsèque, essentiellement mobile, perpétuellement entraînée dans des directions diverses, ; le sens commun, au contraire, est une somme de convictions arrêtées, stables, inébranlables. C’est au sens commun qu’il appartient de fixer l’incertitude des philosophes, de trancher les fils à la fois amincis et embrouillés par la dialectique. D’où il résultait que la philosophie, asservie à une autorité étrangère, cessait d’être la libre réflexion de l’esprit, que le sens commun, s’égarant dans la sphère des, idées abstraites, avait déserté le domaine de la pratique courante qui était le sien. Compromettant à la fois les deux forces qu’il prétendait unir, l’éclectisme devait s’achever dans la négation de la philosophie et dans*/ la négation du sens commun.

Une telle conséquence ne saurait nous surprendre, aujourd’hui. Pour des générations habituées à considérer la propagation des idées dans la société et leur évolution dans l’histoire, la fixité du