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F. simiand. – Vannée, sociologique française i896. 515 par essence, elle abstrait et, par principe, se limite au phénomène (entre parenthèses, la part de réel que son abstraction laisse ainsi échapper est plus que suffisante à sauvegarder la possibilité d’un libre arbitre humain, rien ne s’opposant à ce qu’on mette la contingence dans ce résidu concret) ; la difficulté est de trouver le mode d’abstraction le meilleur, c’est-à-dire en somme de déterminer ce que sera le phénomène social ; et le mode d’abstraction le meilleur est celui qui- réussit, c’est-à-dire celui qui prouve son approximation -maxima de la réalité concrète, en établissant des coïncidences constantes de phénomènes, des lois. C’est à l’épreuve donc qu’on jugera du mode d’abstraction approprié à la science sociale. En existe-t-il un qui détermine le fait social en tant que social ? Ou en existe-t-il seulement plusieurs qui déterminent le fait économique, le fait juridique, le fait éthique, etc. ? Cela encore est une question de succès. Quoi qu’il en soit de ce débat jusqu’ici resté ouvert, cette science ou ces sciences sociales sont absolument légitimes, si elles prennent soin de garder exactement leur caractère hypothétique et relatif. M. Bernès estimera sans doute qu’une telle science laisse échapper o l’essence même de la réalité sociale. Mais les sciences biologiques ne laissent-elles pas échapper de la même façon l’essence de la réa-. lité vivante ? Aucune d’entre elles n’étudie la vie en elle-méme, elles n’étudient toutes que des phénomènes vitaux. Le problème de la vie est d’ordre métaphysique et non pas scientifique ; et sans doute la biologie positive n’est pas indépendante de la métaphysique biologique (ni réciproquement d’ailleurs), mais elle en est distincte. Et ce point suffit ici.

C’est à une seule condition que la science sociale positive perdrait toute raison d’être c’est s’il était prouvé qu’une autre voie nous donne une meilleure connaissance de l’objet étudié. Cette preuve semble bien être encore à faire. Le travail de M. Bernés s’intitulait « Introduction à la sociologie générale ». Soit, mais nous voudrions ne pas rester indéfiniment ainsi dans l’antichambre de la. sociologie. Voici longtemps que, de divers côtés, on nous dit ce que peut être la sociologie, ce qu’elle doit être, ce qu’elle sera. Qu’elle soit donc une- fais. Nous pourrons au moins juger en connaissance de cause. M. Bernès s’est loyalement mis à la tâche dans la seconde année