504 REVUE DE 1IÉTAPHYSIQU¡’ ; ET DE MORALE.
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que l’entend M. Novicow, est une aristocratie « normale », c’est-à-dire qui aurait la conscience de son rôle social et la volonté de le remplir, une aristocratie qui ne serait pas exclusive (héréditaire pour autant que les fils sont dignes de leurs pères), qui ne serait pas rétrograde, mais au contraire ouvrirait la voie au progrès, qui ne serait nullement privilégiée (car un privilège est un dommage à la communauté), qui ne jouirait pas d’une fortune mal acquise, qui ne serait pas désœuvrée. Mais une pareille aristocratie, M. Novicow lui-même l’avoue à peu près, ne s’est jamais rencontrée. 11 est dès lors d’une curieuse méthode de déclarer état normal un état tout idéal, et de tenir pour pathologiques tous les états concrets, seuls observés. Partant de la réalité au contraire, on tiendra pour normal qu’une aristocratie oublie de songer à la communauté pour ne veiller qu’à ses propres intérêts, qu’elle cherche à rester fermée, à obtenir et garder des privilèges, qu’elle soit essentiellement conservatrice, etc. ; et, estimant fâcheux cet état normal des aristocraties constituées, on prendra des précautions pour l’éviter, par exemple celle de supprimer toute aristocratie. Mais ce principe démocratique ne condamne nullement l’élite du même coup c’est au contraire pour tâcher d’assurer aux plus capables la place dont ils sont dignes, qu’il s’oppose à toute sélection procédant d’un autre principe, naissance ou fortune. En second lieu, pour M. Novicow, cette élite intellectuelle, confondue avec l’aristocratie, est ce qui pense et ce qui veut pour la société tout entière. Et cela encore est fort contestable. 11 n’est pas sûr que les idées proviennent d’un travail spontané des esprits individuels supérieurs ; elles ne leur sont peut-être que suggérées par l’esprit social. Et en tout cas cette masse, si dédaignée, pense pour elle-même et par elle-même ; elle pense à sa manière, il est vrai, et c’est pourquoi les individus penseurs de métier, ne la comprenant pas, la méprisent – II est moins sûr encore que l’élite ait jamais mené la masse sociale, et n’ait pas plutôt été menée par elle ; on peut soutenir que les grands mouvements historiques ont été exécutés sans et même malgré l’élite du moment ; une élite nouvelle, les ayant expliqués après, a paru où s’est imaginé les avoir préparés. Depuis Platon, la royauté des philosophes n’a point cessé d’être une pure chimère.
Novicow, oo. cit., p. HT La société ne pense jamais par elle-même ; elle
pense par des idées /ou*» faites, élaborées par l’élite et répandues par l’opération de la foi ».
