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C. BOUGLÉ. – ANTHROPOLOGIE ET DÉMOCRATIE. 48ft tendent à enlever toutes les barrières, celles, enfin, qui sont animées du souffle démocratique ? On le voit, si le sens de, l’idée d’égalité est bien, comme nous avons essayé de le montrer, de réclamer pour les individus différents des possibilités égales, l’anthropologie semblerait devoir favoriser bien plutôt que contrarier son mouvement.

On comprend en même temps sur quels malentendus repose cette accusation, cent fois portée contre ladémocratie, de s’user en efforts stériles pour contrecarrer les lois de la nature. Le darwinisme, nous dit-on, par ses seules théories de la lutte pour la vie et de la sélection naturelle, condamne implicitement ce mouvement contre nature qui est le mouvement démocratique. Mais noas savons dès maintenant, par l’analyse des différentes réclamations égalitaires, que la démocratie n’a pas pour but de supprimer les luttes ; elle veut seulement ce qui est tout différent les réglementer. En ouvrant le même champ à tous les individus sans distinction, annihile-t-elle e.n aucune façon la concurrence ? On ne peut même pas dire qu’elle l’atténue. C’est redoubler l’ardeur d’un combat que d’y convier tous les individus quels qu’ils soient. Parce qu’elle réclame, pour tous, la lutte égale, la démocratie l’avive bien loin qu’elle la supprime’. Et par suite, bien loin qu’elle la supprime, elle organise la sélection. Par cela même que l’idéal de la démocratie est d’obtenir, par l’uniformité des conditions d’action, la proportionnalité des sanctions aux actions, son résultat serait de mettre hors de pair, conformément aux lois de la nature, les individus réellement supérieurs. D’ailleurs, il faut bien le reconnaître enfin, ces sortes d’invocations aux lois, soi-disant inéluctables, de la nature, ne semblent faites, le plus souvent, que pour, cacher des confusions d’idées. Le plus souvent, l’appel à la nature et à ses lois universelles implique un oublide l’homme, de ses devoirs et de ses pouvoirs propres. Que nous importent, après tout, les lois de la sélection dite naturélle, si c’est la nature de l’homme que de les transformer ? En ce sens, Brocà était mieux inspiré que M. Ammon lorsqu’il prétendait distinguer, de la sélection naturelle, la sélection sociale. Cette distinction nous rappellera que, si la société ne supprime pas la lutte pour la vie, elle,a le pouvoir de modifier non pas seulement, comme le •disait Broca, le champ de bataille, mais les conditions mêmes du . Cf. B. Kidd, op. cit.