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430 HEVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

mulées a priori par le mathématicien, proclament. les lois mêmes des choses, puisque celles-ci n’existent pour notre connaissance qu’entant qu’elles sont assujetties aux conditions énoncées par ces sciences spéculatives.

On ne saurait se plaindre, semble-t-il, de ce qu’une semblable doctrine ne subordonne pas suffisamment à la pensée le monde, objet de notre connaissance. Mais, en vérité, n’y a-t-il pas, à prendre la doctrine à la lettre, une exagération dépassant les bornes de ce que peut accepter notre raison ? Prenez la mathématique pure, par exemple, dira-t-on que, si loin qu’elle soit poussée, quelques limites qu’atteignent ses constructions, elle ne cessera jamais de formuler les conditions de réalité des phénomènes ? Ou bien, frappé de la fécondité de la mathématique, même dans ce qu’elle a de plus abstrait, Kant eût osé répondre oui, et alors véritablement eût réfuté lui-même sa doctrine par l’excès où il l’eût portée. Ou bien, plus probablement, préoccupé, comme il l’a toujours été d’ailleurs, des conditions que l’intuition impose à la mathématique, il eût prescrit d’avance des bornes à celle-ci, et alors il n’eût pas raisonné au fond autrement. qu’Auguste Comte, et, comme celui-ci, ainsi que nous allons y insister, eût méconnu ce pouvoir de la pensée de rester si souvent féconde même bien entendu au point de vue des applications les plus pratiques, quand elle s’abandonne à la spéculation pure avec le plus complet détachement. de toutes circonstances matérielles.

Des conceptions qui se rattachent par un rapport plus ou moins lointain à l’empirisme, la philosophie d’Auguste Comte nous semble la plus parfaite elle reste parcourue par un souffle d’idéalisme, qu’explique suffisamment d’ailleurs l’éducation mathématique de l’esprit de Comte. Les sciences théoriques, à ses yeux, considèrent chacune quelques propriétés abstraites du monde sensible, propriétés de moins en moins simples et générales à mesure qu’on s’éloigne des mathématiques pures ; mais, en tous cas, à tous les degrés de la hiérarchie, ce sont des éléments que l’esprit a dégagés des choses, et qu’il ne fait que leur rendre, pour ainsi,dire, quand, après avoir construit sur eux une science rationnelle, il l’applique au monde réel. Dans l’intervalle, Comte a le sentiment très net qu’une élaboration s’est faite d’une importance capitale pour le progrès de la science il insiste maintes fois sur les caractères de précision et de rationalité si nécessaires, dit-il, à ce progrès. Mais à ses yeux, les