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G. MILHAUD. USE CONDITION UO PROGRÈS SCIENTIFIQUE. 438 désintéressée, et’aue si le désintéressement est une condition du désintéressée, et’que si le désintéressement est une condition du progrès scientifique, il nous est encore permis d’envisager l’avenir avec confiance,

Est-ce à dire que nous devions nous abandonner à un optimisme tranquille ? Non certes. De tout notre pouvoir nous devons lutter contre l’envahissement des tendances trop exclusivement utilitaires et pratiques ; nous devons par tous les moyens faire pénétrer dans les esprits le respect, sinon l’admiration, pour ceux qu’on est trop disposé parfois à appeler des rêveurs inutiles, et pour toute étude spéculative. Arrêtons le plus possible sur les lèvres prêtes à les prononcer, ces mots que chacun de nous a trop souvent entendus à quoi cela sert-il ?

II est temps d’en venir aux réflexions que nous suggère, au point de vue philosophique, la loi que nous avons énoncée. Elle subordonne l’application de la science, les grandes découvertes pratiques, l’accroissement de notre puissance sur les choses de la nature, à la pensée théorique. Or, suivant un mot connu, savoir c’est prévoir, et prévoir c’est pouvoir. Il est donc permis de dire plus simplement qu’elle fait dépendre la. connaissance des phénomènes réels du progrès de la pure spéculation. Elle ne touche ainsi à rien moins qu’au nœud vital du problème de la connaissance, au lien de la pensée et des choses et si, par elle-même, elle ne suffit pas à fournir une solution du problème, du moins elle exprime une exigence dont toute solution doit tenir compte.

Le réel pour Platon, c’était les Idées, de telle sorte que le monde sensible y participât et ne devînt objet de science que dans la mesure où il participait aux Idées elles-mêmes ; et Aristote pensait w de même, quoiqu’il s’exprimât en ternies quelque peu différents le réel des choses et ce que la science doit chercher à saisir en elles, n’était-ce pas pour lui l’Idée qui s’y cache ? C’était là la solution la plus naïve et la plus simple, objectivant tout naturellement au dehors les conceptions intelligibles, ou plutôt proclamant l’identité de ces conceptions et de la réalité. A deux mille ans de distance, et d’un point de vue diamétralement opposé, Kant soumettant systématiquement la réalité des phénomènes aux formes a -priori de la pensée, aboutissait à la même justification des sciences théoriques. La géométrie, l’algèbre, l’arithmétique, la mécanique, quoique for-